Couverture du n° 80 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 80

Anna Maria Ortese
Place aux Sudistes

Ouverture

Anna Maria Ortese (Rome, 1914 - Rapallo, 1998) a traversé son siècle à l’envers.
Plus son époque se tournait, au prix de guerres sanglantes et de conflits fratricides d’une ampleur jamais connue par le passé, vers la rationalisation et la manipulation des comportements humains, plus son œuvre s’enfonçait dans les mystères insondables de l’âme. Plus son époque investissait l’hypothèse d’une mainmise totale de l’homme sur la Nature, plus ses romans embrassaient la beauté, la magie et le hasard, à savoir tout ce qui est de l’ordre du non-maîtrisable dans cette même Nature. Il y a, chez Anna Maria Ortese, quelque chose de Nerval et de Poe. Aussi de Tchékhov, de Kafka, de Woolf, de Camus et de Gombrowicz. Incontestablement, Ortese fait partie de la grande confrérie des écrivains insoumis à l’utopie rationaliste.

Je tiens à remercier Simona Carretta et Francesco Forlani pour nous avoir aidés à réaliser cet hommage à Anna Maria Ortese. Ainsi que Silvana de Luca qui nous a gracieusement offert le portrait de l’auteur. Sans oublier les traductrices Marguerite Pozzoli et Francesca Lorandini et le traducteur Olivier Maillart.

Il y a une littérature qui d’«entrée» en «rentrée» essaie de se mettre au diapason de ce qui «fait débat». Il y en a une autre qui est toujours en léger décalage.
Comme celle d’Ortese, de Malraux (Olivier Maillart) et de Gombrowicz (Marek Bie´nczyk). Ou comme celle dont se réclament Claire Tencin (Belinda Cannone) et Maja Brick. Ou encore celle dont ont la nostalgie François Ricard et celui qui signe. Bref, une littérature un peu en harmonie avec l’humour de Sempé – merci, Jean-Jacques.

Le Roman exige un colletage, une empoignade avec la Puissance sous toutes ses formes dont nos bellettristes ne sauraient même rêver. Le genre n’est pas compatible avec l’abstraction, il est viscéral, il est fait de chair, de visages, de M. de Charlus, de Fabrice del Dongo et du soldat Schwejk, de sang chaud et d’érection, de toute la vulgarité de l’être, alors que les bellettristes n’ont d’autre but dans la vie que d’éviter tout contact avec la vie.
Romain Gary, Pour Sganarelle, 1965.

Au Salon de la revue, cette année, nous avons découvert Hippocampe, titre qui regroupe une revue semestrielle et un journal bimestriel. Deux niches de dialogue et de parole libre – par les temps qui courent le pléonasme n’est pas de trop.

Côté grande actualité, rien de particulier à signaler; à part les dernières métamorphoses du puritanisme (Yves Lepesqueur).

Ainsi, dans le vide civilisationnel qui nous assaille de partout et tandis que les bombes pleuvent sur coupables et innocents, nous avons commémoré le centenaire de la Grande Guerre. Pourquoi pas ? Il faut, d’une manière ou d’une autre, conjurer l’atroce réalité qui, cependant, refuse de céder (Fanny Taillandier).

Ce qui tient du miracle avec les guerres contemporaines, c’est que la paix continue, imperturbable, à répandre ses prodiges (Michel Hoëllard).

Grâce aux soins de Bruno Gillot, de Pia Petersen et d’Olivier Maillart, nous disposons désormais d’un site: latelierduroman.com. Qu’ils soient, tous les trois, infiniment remerciés.

Voilà que Saul Bellow (Norman Manea) réapparaît après douze ans: «Bellow nous regarde», no 32, décembre 2002. Joseph Conrad (Boniface Mongo-Mboussa) nous rend visite plus souvent. Qu’importe… L’essentiel est qu’ils ne nous quittent pas.

Je me permets d’attirer l’attention du gentil lecteur à ne pas confondre les enfants de l’ère de l’éducation sexuelle avec Trevor Cribben Merril («Une éducation romanesque»). Les enfants de la première catégorie jouent dans le roman de Maxence Caron dont parle ici Paul Gadel.

Programme 2015. Mars: «Liberté – mot de passe Thélème». Juin: «Alfred Döblin». Septembre: «La critique a-telle besoin des romanciers? (IV)». Décembre: «De l’Amérique de Kafka».

Ce qui fait la valeur unique et irremplaçable d’Ortese est sa profonde affection pour toutes les créatures victimes du Progrès. Du misérabilisme? Non, au contraire, de l’espoir. Mot de passe pour entrer dans son royaume envoûtant.
L. P.

Couverture du n° 80 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 80

Anna Maria Ortese
Place aux Sudistes

Ouverture

Anna Maria Ortese (Rome, 1914 - Rapallo, 1998) a traversé son siècle à l’envers.
Plus son époque se tournait, au prix de guerres sanglantes et de conflits fratricides d’une ampleur jamais connue par le passé, vers la rationalisation et la manipulation des comportements humains, plus son œuvre s’enfonçait dans les mystères insondables de l’âme. Plus son époque investissait l’hypothèse d’une mainmise totale de l’homme sur la Nature, plus ses romans embrassaient la beauté, la magie et le hasard, à savoir tout ce qui est de l’ordre du non-maîtrisable dans cette même Nature. Il y a, chez Anna Maria Ortese, quelque chose de Nerval et de Poe. Aussi de Tchékhov, de Kafka, de Woolf, de Camus et de Gombrowicz. Incontestablement, Ortese fait partie de la grande confrérie des écrivains insoumis à l’utopie rationaliste.

Je tiens à remercier Simona Carretta et Francesco Forlani pour nous avoir aidés à réaliser cet hommage à Anna Maria Ortese. Ainsi que Silvana de Luca qui nous a gracieusement offert le portrait de l’auteur. Sans oublier les traductrices Marguerite Pozzoli et Francesca Lorandini et le traducteur Olivier Maillart.

Il y a une littérature qui d’«entrée» en «rentrée» essaie de se mettre au diapason de ce qui «fait débat». Il y en a une autre qui est toujours en léger décalage.
Comme celle d’Ortese, de Malraux (Olivier Maillart) et de Gombrowicz (Marek Bie´nczyk). Ou comme celle dont se réclament Claire Tencin (Belinda Cannone) et Maja Brick. Ou encore celle dont ont la nostalgie François Ricard et celui qui signe. Bref, une littérature un peu en harmonie avec l’humour de Sempé – merci, Jean-Jacques.

Le Roman exige un colletage, une empoignade avec la Puissance sous toutes ses formes dont nos bellettristes ne sauraient même rêver. Le genre n’est pas compatible avec l’abstraction, il est viscéral, il est fait de chair, de visages, de M. de Charlus, de Fabrice del Dongo et du soldat Schwejk, de sang chaud et d’érection, de toute la vulgarité de l’être, alors que les bellettristes n’ont d’autre but dans la vie que d’éviter tout contact avec la vie.
Romain Gary, Pour Sganarelle, 1965.

Au Salon de la revue, cette année, nous avons découvert Hippocampe, titre qui regroupe une revue semestrielle et un journal bimestriel. Deux niches de dialogue et de parole libre – par les temps qui courent le pléonasme n’est pas de trop.

Côté grande actualité, rien de particulier à signaler; à part les dernières métamorphoses du puritanisme (Yves Lepesqueur).

Ainsi, dans le vide civilisationnel qui nous assaille de partout et tandis que les bombes pleuvent sur coupables et innocents, nous avons commémoré le centenaire de la Grande Guerre. Pourquoi pas ? Il faut, d’une manière ou d’une autre, conjurer l’atroce réalité qui, cependant, refuse de céder (Fanny Taillandier).

Ce qui tient du miracle avec les guerres contemporaines, c’est que la paix continue, imperturbable, à répandre ses prodiges (Michel Hoëllard).

Grâce aux soins de Bruno Gillot, de Pia Petersen et d’Olivier Maillart, nous disposons désormais d’un site: latelierduroman.com. Qu’ils soient, tous les trois, infiniment remerciés.

Voilà que Saul Bellow (Norman Manea) réapparaît après douze ans: «Bellow nous regarde», no 32, décembre 2002. Joseph Conrad (Boniface Mongo-Mboussa) nous rend visite plus souvent. Qu’importe… L’essentiel est qu’ils ne nous quittent pas.

Je me permets d’attirer l’attention du gentil lecteur à ne pas confondre les enfants de l’ère de l’éducation sexuelle avec Trevor Cribben Merril («Une éducation romanesque»). Les enfants de la première catégorie jouent dans le roman de Maxence Caron dont parle ici Paul Gadel.

Programme 2015. Mars: «Liberté – mot de passe Thélème». Juin: «Alfred Döblin». Septembre: «La critique a-telle besoin des romanciers? (IV)». Décembre: «De l’Amérique de Kafka».

Ce qui fait la valeur unique et irremplaçable d’Ortese est sa profonde affection pour toutes les créatures victimes du Progrès. Du misérabilisme? Non, au contraire, de l’espoir. Mot de passe pour entrer dans son royaume envoûtant.
L. P.

Sommaire

Couverture du n° 80 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 80

Sommaire

ouverture 7

À la Une:
Boniface Mongo-Mboussa 13
Anna Maria Ortese: place aux sudistes
Denis Grozdanovitch, Anna Maria Ortese, fille de la nostalgie, du 
rêve et du désespoir… 19
Simona Carretta, Le mystère du chardonneret 26
Jean-Baptiste Para, Derrière le soleil – Anna Maria Ortese en Russie 34
Andrea Inglese, Le trésor du couple 42
Denis Wetterwald, L’architecture vacillante du Port de Tolède,
chef-d’œuvre de fragilité 49
Mirjana Robin-Cerovic, Les territoires d’Anna Maria Ortese 57
Jean-Yves Masson, Une éthique du roman 65
Renata Prunas, Anna Maria et les années de la Nunziatella 72
Francesco Forlani, Souffrir à sa place 78
Lakis Proguidis, Si la nature est morte tous les délires sont permis 86

Dates et œuvres 93

À la Une :
Fanny Taillandier 97

Critiques
Norman Manea, Mon Bellow 107
Belinda Cannone, La littérature ou comment rebattre les cartes – 
Aimer et ne pas l’écrire, de Claire Tencin 117
Paul Gadel, La physiologie du mariage – Satire Foutre, de Maxence Caron 121
Anna Maria Ortese, Da Moby Dick all’Orsa bianca (extraits) 130

À la Une :
Yves Lepesqueur 137

Transatlantiques
Lakis Proguidis – François Ricard 145

De près et de loin
Maja Brick, La vie et son double 157 Michel Hoëllard, Golfe story 163 Trevor Cribben Merrill, Une éducation romanesque 171 Olivier Maillart, La guerre Malraux 185 Au fil des lectures Marek Bie´nczyk, Les mémoires d’avant la tombe 197