L'Atelier du Roman n° 99
Colette - Les mille facettes de la séduction
Ce numéro, comme nous l’avons souvent fait, est un dialogue esthétique autour d’une œuvre romanesque remarquable. Pourquoi Colette cette fois ? Pour prendre le contre-pied de la tendance actuelle de mettre en valeur la personne de l’écrivain au détriment de son œuvre. Que la vie de Colette est unique, personne n’en doute. Mais qu’en est-il de l’unicité de sa littérature ? Quinze écrivains essaient de répondre.
Nous parlons aussi de l’école, du Japon, de la Silicon Valley, de la civilisation festive, de Soljenitsyne, d’Homère, de la Roumanie, du Québec, de la bio-technologie, de Thomas Mann et de Naples. Toujours par le biais du roman. Et toujours accompagnés du rire bienveillant de Sempé.
En librairie: 5 décembre 2019.
Sommaire
-
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 99
Colette - Les mille facettes de la séduction
Ouverture
Léa Petges, Regarde !
Frédéric Maget, Colette paradoxe
Thomas Pavel, Comment éviter la profondeur
Samia Bordji, La Vagabonde : être en femme, tout simplement
Gérard Bonal, La Naissance du jour : « Imaginez-vous, à me lire, que je fais mon portrait ? »
Martine Charreyre, « Devenir ton illusion »
Marin de Viry, Colette dans la bataille
Reynald Lahanque, Un étrange attachement
Cécilia Dutter, La Chatte et moi
Corentin Zurlo-Truche, Colette au théâtre
Eryck de Rubercy, L’école de la nature
Jean-Marc Bastière, Colette l’archaïque
Frédéric Beigbeder, La faute à Colette
Pascale Privey, Pygmalionne
Lakis Proguidis, Il était une fois...
Dates et œuvres
à la une : Yannick Roy
Critiques
Didier Castelan, De l’école – Sur Nos jeunes, d’Alexandre Soljénitsyne
Raphaël Arteau Mcneil, Silicon Valley, capitale du xxie siècle – Sur The Big Disruption, de Jessica Powell
Massimo Rizzante, L’art incarné de Kenzaburô Ôé
Thierry Gillybœuf, Gheorghiu et moi
Lakis Proguidis, Après la civilisation – Sur Chers djihadistes..., de Philippe Muray
à la une : Boniface Mongo-Mboussa
de près et de loin
Baptiste Arrestier, Qui, de Settembrini ou de Naphta, avait raison ? – Le roman et le religieux en temps de troubles spirituels
Gilles Carasso, La solution bio-technologique
au fil des lectures
François Taillandier, De Winchester à Naples en passant par Bordeaux Ouverture
-
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 99
Colette - Les mille facettes de la séduction
Que de nos jours les différents mouvements émancipateurs se réclament de Colette (1873-1954) en prenant appui sur sa vie décalée par rapport à la norme sociale, est tout à fait compréhensible. Mais qu’en est-il de ses romans, de son théâtre, de ses nouvelles ? Qu’en est-il de la valeur de ses œuvres et de leur place dans une époque où la littérature française dominait la scène internationale ? Poser ces questions et essayer d’y répondre est déjà un indice clair que, pour L’Atelier du roman, Colette doit être surtout admirée pour ce qu’elle a fait de « décalé » par rapport à la norme littéraire.
Ce numéro, nous le devons largement à Philippe Muray. Nous parlions souvent de Colette. Il faut, me disait-il, redécouvrir son « lyrisme antilyrique » et son « sens du réel ». C’était en 2004, deux ans avant sa mort.
Infinis remerciements à Gérard Bonal et Frédéric Maget pour leurs conseils amicaux et leur aide tout au long de la préparation de ces pages.
En soixante-cinq ans depuis la mort de Colette, nous n’avons pas arrêté de progresser (Raphaël Arteau McNeil et Gilles Carasso) et de régresser (celui qui signe) tout en continuant à poser la même question : qui, de Settembrini ou de Naphta, avait raison ?
Par temps de biopics tous azimuts n’hésitons pas de le préciser : « Les mille facettes de la séduction » du titre générique se rapportent à l’œuvre et pas à l’auteur.
« J’ai la longue habitude de croire Balzac sur parole », avouait jadis Colette. Je suis comme elle exactement. Si les littérateurs d’aujourd’hui l’imaginent démodé, Balzac, c’est qu’ils ne se sont jamais regardés. Tétanisés par leur accession au show, qu’ils ne désirent tant que parce qu’ils sont persuadés que c’est la condition de leur survie, ils ne tiennent pas à savoir que c’est leur condamnation. Ils préfèrent passer fantômes sur la scène que d’être écartés de celle-ci.
Philippe Muray, « Désaccord parfait », La Règle du jeu n° 9, 1993.
Apparemment, dans la déchristianisation de nos sociétés, les baby boomers ont été beaucoup plus efficaces (Yannick Roy) que Ceausescu et ses camarades (Thierry Gillybœuf).
La multiplication des lectures différentes des grandes œuvres romanesques du présent et du passé, telle que nous essayons de la pratiquer de numéro en numéro, n’a qu’un seul but : prouver l’impossibilité de les réduire en une interprétation conforme aux visées du mainstream.
C’est par sa mère que Colette a appris à bien regarder le monde et par son père à bien écrire. Vu l’excellence de l’œuvre littéraire accomplie suite à cette éducation familiale, refléchissons un peu sur le rôle de l’éducation scolaire (Didier Castelan).
Quoique Colette n’ait pas pratiqué la poésie, sa prose témoigne d’une très grande sensibilité poétique. C’est que la poésie qu’elle avait assidûment pratiquée pendant sa jeunesse a été diluée dans son imagination. Ce qui n’est pas le cas des écrivains comme Kenzaburô Ôé (Massimo Rizzante), François Taillandier et Boniface Mongo-Mboussa qui traitent la poésie comme un interlocuteur actif, insoluble dans la prose.
Les quatre numéros à venir : le 100e numéro (mars 2020) sera entièrement consacé à Milan Kundera, la 101e, à la 6e Rencontre de Thélème : « Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté ? » (juin 2020), le 102e, à Karel Capek (septembre 2020) et le 103e, à Flannery O’Connor (décembre 2020).
Les œuvres d’art n’ont pas besoin du show médiatique pour assurer leur survie. Leur décalage par rapport à notre intelligence leur suffit. Ce sont des énigmes éternelles. Les dessins humoristiques de Sempé en font amplement partie.
L. P.