Couverture du n° 104 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 104

Désir d’ailleurs : désir de liberté ?

 

Le sujet de cette 7e Rencontre de Thélème avait été fixé avant le déclenchement de l’épidémie Covid-19 et les restrictions des libertés supposées nécessaires pour la combattre. C’est donc le hasard qui a fait que ce dialogue par articles interposés sur le rapport de l’«ailleurs» et la «liberté» trouve aujourd’hui sa place dans l’actualité la plus brûlante. Et c’est cette actualité qui nous a poussé à reprendre Montaigne, Descartes, Chateaubriand, Stendhal, Flaubert, Rimbaud, Loti, Segalen, Conrad et tant d’autres «voyageurs». Leur ailleurs vit toujours malgré les efforts de ce monde connecté et adorateur du Même pour les effacer. «Ailleurs» oblige, nos pages nous emmènent à Londres de l’après-guerre, à la Tahiti d’avant la guerre, à l’Algérie des années 50, à la Tchécoslovaquie occupée et à la Roumanie actuelle. Notons aussi l’«ailleurs» à chaque numéro renouvelé de nos chroniqueurs et l’«ailleurs» éternel contre tous les maux illustré par Jean-Jacques Sempé.

 


SOMMAIRE

 

 

Couverture du n° 104 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 104

Désir d’ailleurs : désir de liberté ?

 

 

 

SOMMAIRE

Ouverture

Béatrice Commengé, « Ailleurs ici partout »
Théo Ananissoh, La possibilité du vide
Steven Sampson, L’arbre en moi
Lakis Proguidis, La grand-mère et le roman
Yves Lepesqueur, Quand l’ici devient un ailleurs
Eryck de Rubercy, Le chemin de l’ailleurs est merveilleusement libre
François Taillandier, Et moi aussi, je suis allé à Harar !
Denis Grozdanovitch, L’ailleurs serait-il tout près ?
Slobodan Despot, Le retour de l’ailleurs

À la une : Olivier Maulin

Critiques
Massimo Rizzante, Un Adam dans les ruines – Sur Le Roman de Londres, de Miloš Tsernianski
Riccardo Pineri, Le mirage de l’origine – Segalen lecteur de Gauguin
Eryck de Rubercy, Fruit d’une étude mort-née sur Bouvard et Pécuchet
René de Ceccatty, L’Algérie perdue et retrouvée de Béatrice Commengé 
– Sur Alger, rue des Bananiers
Patrick Corneau, L’avènement d’un monde flottant – À propos de Sans Bill ni Murray, d’Alexandre Steiger
Florian Beauvallet, L’éclatante désinvolture du roman – Sur Les Lâches, de Josef Škvorecký

À la une : Boniface Mongo-Mboussa

De près et de loin
Olivier Maillart, Sous le signe du labyrinthe
Samuel Bidaud, L’art qui parle

À la une : Yves Lepesqueur

Les cahiers de l’Atelier

Denis Wetterwald, Les citrouilles de Marcel françois taillandier, L’avenir
Marian Ilea, L’« objectif touristique » de la ville de Mittelstadt

Au fil des lectures
Benoît Duteurtre, Les mots et les lieux

Le thème de la VIIIe Rencontre de Thélème

 


OUVERTURE

 

 

Couverture du n° 104 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 104

Désir d’ailleurs : désir de liberté ?

 

 

Lorsque nous avons inauguré, il y a sept ans, ce cycle de Rencontres autour de la liberté, nous savions que nous partions dans le brouillard. Pourquoi la liberté? Quel rapport avec le roman? Est-ce un sujet littéraire? Mais quel sujet aurait pu ne pas être littéraire?

Je tiens à remercier la Région Centre-Val de Loire, la Communauté de communes Chinon Vienne et Loire et l’association Autour de Babel. C’est grâce à leur soutien que les Rencontres de Thélème sont reconduites d’année en année.

«Les citrouilles de Marcel» sont tirées de la Confinerie de Denis Wetterwald. La Confinerie, c’est son journal poétique en ligne, rédigé à chaque hospitalisation du pays.

Chaque année, à l’abbaye de Seuilly, nous scrutons le même mot sous l’angle proposé par un écrivain différent. En 2014 : « Mot de passe : Thélème ! » (François Taillandier). 2015 : « Quelles règles pour quel jeu ? » (Jean-Yves Masson). 2016 : « Liberté – quel intérêt ? » (Pia Petersen). 2017 : « Une liberté impertinente » (Denis Grozdanovitch). 2018 : « L’identité contre la liberté » (Belinda Cannone). 2019 : « Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté ? » (Simonetta Greggio). Nos Rencontres ont lieu au mois d’octobre. Ici nous publions les articles que les participants ont rédigés ultérieurement.

L’homme est un jouisseur tout autant qu’un destructeur et un créateur ; et nous arrivons à un temps où, plus que jamais auparavant, l’humanité a besoin de retomber dans la contemplation. Les plus héroïques appels lancés en l’honneur des plus nobles causes ne pourront changer l’indomptable « Moi » faustien, le vieux « Moi » homérique et biblique en un rouage à tout jamais inséré dans une machine impersonnelle.
John Cowper Powys, Autobiographie, 1934.

Rien n’est prémédité. L’« ailleurs » appelle l’ailleurs : la Tahiti de Segalen (Riccardo Pineri), Londres de Miloš Tsernianski (Massimo Rizzante), le Kostelec imaginaire de Josef Škvorecký (Florian Beauvallet) et la Roumanie de Marian Ilea.

Entourés que nous sommes de tant de spécialistes, nous risquons de perdre de vue les pionniers de cette grande confrérie : Bouvard et Pécuchet (Eryck de Rubercy).

De temps en temps nous parlons aussi des œuvres de nos collaborateurs. Ici, le dernier livre de Béatrice Commengé (René de Ceccatty) et les romans de Théo Ananissoh (Boniface Mongo-Mboussa). Et tant mieux si cela concerne deux participants à cette VIIe Rencontre : leur propos acquiert du relief.

Yves Lepesqueur commente dans sa chronique la controverse des années cinquante entre Maxime Rodinson et Claude Lévi-Strauss sur la nature du progrès. Incontestablement, il s’agissait d’une autre époque. Les gens communiquaient entre eux par des pensées articulées et non par des news interposées. Il ne nous reste dorénavant que la contemplation que recommande Powys.

Nous avançons dans le brouillard avec le mot de passe avancé par François Taillandier dès la première Rencontre : Thélème ! Dans cette fameuse abbaye, il n’y avait ni guide spirituel, ni maître à penser, ni grand pédagogue, ni législateur. On était libre d’y entrer. On était libre d’en sortir. Et, durant le séjour, on participait librement aux discussions, à l’apprentissage, aux plaisirs de la vie et aux jeux collectifs. Les anciens Thélémites ne dissertaient pas sur la liberté.

En contrepoint à l’« ailleurs » des nouveaux Thélémites, il y a l’ailleurs du « flottement » dont parle Patrick Corneau à propos du roman d’Alexandre Steiger, l’ailleurs labyrinthique (Olivier Maillart), l’ailleurs du rire (merci Jean-Jacques !), l’ailleurs de l’art tout court (Samuel Bidaud), l’ailleurs, enviable plus que jamais, des libertins (Olivier Maulin) et, last but not least, l’ailleurs des brasseries englouties (Benoît Duteurtre).
L. P.

Couverture du n° 103 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 103"

Flannery O’Connor – Le réalisme des lointains

 

Ce numéro spécial Flannery O’Connor peut être considéré comme la suite au précédent numéro dédié à Karel Čapek, le grand sceptique face au progrès technique. Maintenant nous passons de l’Europe centrale des années d’avant la Deuxième Guerre mondiale à l’Amérique des années qui ont suivi cette guerre. Le constat demeure le même : l’homme devient de plus en plus victime de son rationalisme et de ses projets radieux.
Flannery O’Connor est chrétienne catholique. Avec son humour inné de grand romancier et sa foi, magiquement accordés, O’Connor a réussi à décliner cette « victime » en une galerie de personnages inoubliables où les frontières entre la violence et la grâce, et entre la bêtise et l’innocence sont indiscernables.
Et ce n’est pas un hasard si, à l’occasion de cet hommage à Flannery O’Connor, nous ouvrons de nouveau nos pages à Pierre Jean Jouve, Balzac, Miguel Torga et au grand prosateur grec Alexandre Papadiamantis. Sans oublier tout le reste de la matière, les dessins humoristiques de Sempé inclus, qui, d’une manière ou d’une autre, confirme les prémonitions de Čapek et d’O’Connor.

 


SOMMAIRE

 

 

Couverture du n° 103 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 103

Flannery O’Connor – Le réalisme des lointains

 

 

SOMMAIRE

Ouverture

Cécilia Dutter, Grandeur et solitude de l’écrivain croyant
Jean Berthier, Paroles et parole
Nunzio Casalaspro, La terrible grâce du Seigneur
Sylvie Perez, L’art de la chute
Myrto Petsota, Résonances fécondes
Lambros Kampéridis, Catholique comme un athée dans le Sud américain
Romain Debluë, Le scandale
Trevor Cribben Merrill, Le roman selon Thomas d’Aquin
Pascale Privey, La vanité et la grâce
Emmanuel Dubois de Prisque, Pourquoi y a-t-il Flannery O’Connor plutôt que rien ?
Jérôme Couillerot, L’inouï et son double
Lakis Proguidis, Prophètes sans prophéties
Dates et œuvres

À la une : Yannick Roy

Critiques
Philippe Raymond-Thimonga, Dieu dans l’atelier de Pierre Jean Jouve
Yves Lepesqueur, Christine de Pizan romancière ?
Lakis Proguidis, La voix d’une civilisation – Alexandre Papadiamantis

 À la une : Trevor Cribben Merrill

De près et de loin
Maja Brick, La vacuité du Paradis
Patrice Charrier, En relisant Le Père Goriot

Les cahiers de l’Atelier
Alexandre Papadiamantis, Gagátos et le cheval
Olivier Biégelmann, Hors-Monde
Mikaël Gómez guthart, Le chasseur de parenthèses

 À la une : Théo Ananissoh

Au fil des lectures
Massimo Rizzante, À l’écart de tout, l’art de Miguel Torga

 


OUVERTURE

 

 

Couverture du n° 103 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 103"

Flannery O’Connor – Le réalisme des lointains

 

 

La qualité prophétique du romancier est liée à ce qu’il est capable de voir dans les choses proches les prolongements de leur signification, et capable de voir les choses lointaines de très près. Le prophète est un réaliste des lointains. C’est un réalisme de cette nature que l’on trouve dans les meilleurs exemples du grotesque moderne.

Ces lignes sont extraites de la conférence que Flannery O’Connor a donnée au Wesleyan College de Macon, en Géorgie, à l’automne 1960. Titre: «De quelques aspects du grotesque dans le roman du Sud.»

De Tolstoï à Chesterton et d’Anna Maria Ortese à Bernanos, il y a toujours eu de grands romanciers chrétiens dont les œuvres continuent d’être lues dans le monde entier. C’est à cette famille qu’appartient Flannery O’Connor (1925-1964). Quoique disparue prématurément, Flannery O’Connor a publié deux grands romans, La Sagesse dans le sang et Et ce sont les violents qui l’emportent, et trois recueils de nouvelles. Sur fond d’une quête existentielle et spirituelle qui n’a pas sa pareille, sa prose viscéralement antilyrique met en scène un des plus grands paradoxes du monde contemporain: plus ce monde est assujetti au rationalisme et à l’utilitarisme, plus il devient la proie facile du manichéisme, de la superstition et de la violence gratuite.

Je m’acquitte maintenant de la promesse faite à Philippe Muray de consacrer un numéro de L’Atelier du roman à Colette et un autre à Flannery O’Connor. Celui sur Colette a déjà été réalisé, il y a un an: «Colette – Les mille facettes de la séduction», n° 99, décembre 2019.

Ne nous fatiguons pas de lire et relire nos contemporains : Balzac (Patrice Charrier), Aimé Césaire (Théo Ananissoh), Miguel Torga (Massimo Rizzante) et Christine de Pizan (Yves Lepesqueur).

La science est puissance principale et, partant, aussi principale puissance politique. Ce qui compte, ce ne sont pas toujours (pas uniquement) ses réalisations, mais surtout le contrôle exercé par ses institutions qui canalisent tous les efforts « scientifiques », en sorte qu’il ne se passe rien, extérieurement ou intérieurement, en dehors d’elles. Ceci est cause d’une spécialisation à outrance, jointe à un dilettantisme pour ce qui est des « visions du monde », d’une haine de la philosophie comme mise en question et possibilité que la pensée prenne à tout instant une tournure imprévue.
Jan Patocka, L’Europe après l’Europe.

À Pierre Jean Jouve (Philippe Raymond-Thimonga) nous avons consacré le numéro 56 (décembre 2008) et à Alexandre Papadiamantis (celui qui signe) le numéro 30 (juin 2002). Deux écrivains chrétiens pas très catholiques. Question de voir, encore une fois, combien sont innombrables les voies du roman.

Muray nous manque terriblement. Il était le seul à pouvoir parodier le langage des spécialistes qui, ces derniers temps, nous assaille de toutes parts.

Sans jamais douter de sa foi, Flannery O’Connor n’a pas voulu, comme on peut le constater par ses autres écrits littéraires et sa correspondance, que son œuvre soit évaluée à l’aune de critères moraux et religieux. Son souci principal, comme pour tout romancier authentique, était de créer des personnages aptes à incarner nos mystères existentiels. Et cela contre «l’opinion, écrit-elle dans un de ses essais, qui depuis le xviiie siècle, et d’âge en âge, a tendance à croire que les mystères et les maux de la vie finiront par se dissiper grâce au progrès humain, et cette croyance persiste alors que pour la première fois cette génération doit faire face à l’extinction totale en raison de ce progrès».

N’arrêtons pas d’observer ce monde-ci (Yannick Roy, Trevor Cribben Merrill) ou l’autre (Maja Brick), ou tantôt l’un, tantôt l’autre, à la manière de Sempé.

2021. Le 104e numéro (mars) sera consacré à la VIIe Rencontre de Thélème: «Désir d’ailleurs: désir de liberté?», le 105e (juin), à Philip K. Dick, le 106e (septembre), à Danilo Ki‹ et le 107e (décembre), à John Cowper Powys.

Et pour ne pas désespérer, continuons à cultiver notre petit jardin des «tournures imprévues» (Olivier Biégelmann), Mikaël Gómez Guthart et Alexandre Papadiamantis).
L. P.

Couverture du n° 102 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 102

Karel Čapek – Le roman du progrès

 

Ce numéro est consacré à Karel Čapek, la troisième grande figure des Lettres tchèques, à côté de Kafka et de Hasek. Aujourd’hui, concernant ses œuvres, on parlerait de dystopies, de science fiction et de littérature d’anticipation. Cependant, Čapek est plus que tout ce qui peut être désigné par ces termes. Sur fond d’un mixage unique et inimitable de tendresse et d’humour, il est le scrutateur de l’âme moderne ballottée entre ses utopies humanistes et ses pulsions on ne peut plus égoïstes et irresponsables. Dans le reste de la matière, parmi les critiques d’hier et de nos jours, les chroniques et les nouvelles – comme toujours illustrée par les dessins humoristiques de Sempé –, signalons la traduction d’un texte de Čapek sur la langue tchèque.

 


SOMMAIRE

 

 

Couverture du n° 102 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 102

Karel Čapek – Le roman du progrès

 

 

SOMMAIRE

Ouverture

Karel Čapek – le roman du progrès
Jan Rubes, Une journée ordinaire
Slobodan Despot, «Je n’ai pas voulu mentir»
François Taillandier, Le magicien connaît-il ses trucs?
Thierry Gillybœuf, Čapek voyageur ou la nostalgie de l’Europe
Raphaël Arteau Mcneil, La tragédie propre et planifiée
Mehdi Clément, La «solastalgie» de Povondra
Bernard Quiriny, Un Tchèque en Angleterre
Linda Lê, Les vies imaginaires de Karel Čapek
Joël Roussiez, La légèreté de l’être romanesque
Nunzio Casalaspro, Karel Čapek ou la nostalgie
Lakis Proguidis, Où sont les plaisirs d’antan?
Sylvie Richterova, «J’accuse la science, j’accuse la technique»
Dates et Œuvres

À la une:
Yves Lepesqueur

Critiques
Olivier Rey, Thomas Zins, Céline Schaller et leurs enfants
 – Sur Le Triomphe de Thomas Zins, de Matthieu Jung
Yannis Kiourtsakis, Quand la forêt demande justice – À propos 
d’Athos le forestier, de Maria Stéfanopoulou
Massimo Rizzante, Ce regard attentif qui se pose sur l’inoubliable 
– Sur Que chaque chose trouve sa place, de Sylvie Richterová
Didier Castelan, La noblesse de l’être – Sur La Beauté sur la terre, 
de Charles-Ferdinand
Ramuz Francesco Forlani, L’anecdote est la vie: Petr Král

De près et de loin
Karel Čapek, Éloge de la langue tchèque
Patrice Jean, Le roman et les idées

À la une:
Boniface Mongo-Mboussa les cahiers de l’atelier
Jan Čep, Le secret de Klara Benda
Jean-Philippe Sedikhi, Point de chute

Au fil des lectures
Marek Bie´nczyk, Occuper le temps

 


OUVERTURE

 

 

Couverture du n° 102 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 102

Karel Čapek – Le roman du progrès

 

 

Depuis le temps que le rationalisme technologique mène la danse du progrès, les écrivains n’ont pas manqué qui, penchés plutôt sur les conséquences sociales et anthropologiques de cette anomalie historique, ont imaginé le pire. Dans cette confrérie, Karel Čapek (1890-1938) est un cas à part. Ce qui l’intéresse en priorité, ce sont les retombées de la croyance dans le progrès sur la vie des hommes. Ce qui le motive comme artiste, ce sont les implications existentielles de la déification du progrès. C’est dans ce sens que nous pouvons qualifier l’ensemble de son œuvre comme le Roman du progrès.

« Et tous les critères qui servent à couper non pas verticalement mais horizontalement restent encore valables. » C’est par ces mots que Marek Bie´nczyk termine sa chronique. En d’autres termes, si je ne trahis pas sa pensée, le dépassement des œuvres artistiques accomplies jadis, dépassement toujours souhaitable, toujours salutaire, ne doit pas être « vertical », ne doit pas être compris comme dévalorisation et rejet du passé. Dès leur parution au grand jour, les œuvres majeures entament leur vie « horizontale ». Une vie dorénavant inscrite dans le temps qui va.

Karel Čapek est, à côté de Kafka et de Hasek, la troisième grande figure des Lettres tchèques de la première moitié du xxe siècle. Il est aussi, dans le monde entier, l’un des rares écrivains à parodier le scientisme omniprésent et tout-puissant de notre époque. Sa littérature, constamment traversée par l’humour et la méfiance envers toutes les utopies, se constitue – hormis les pièces de théâtre et les romans – de contes, de nouvelles, de récits de voyage, d’essais d’esthétique et d’écrits politiques.

Je tiens à remercier Jan Rubes, Samuel Bidaud et Ibolya Virag pour leur aide à la préparation de ce numéro.

Face aux prouesses aussi surprenantes qu’inquiétantes des patrons de la Silicon Valley, le rire de Karel Čapek est d’utilité publique. Cela donne à réfléchir sur l’homme qui, de « maître et possesseur de la nature », risque de devenir l’esclave de la machine.

L’optimisme des uns sera le pessimisme des autres et la conviction d’un effondrement inévitable encore un optimisme dont le pessimisme serait que tout reprendrait à continuer en économie de guerre avec sa discipline interne, ses punitions collectives au besoin, ses contrôles biométiques, à se poursuivre ainsi en appauvrissement de la vie et de ses possibilités durant qu’à l’extérieur l’Âge du feu parcourt le globe.
Baudouin de Bodinat, Dernier Carré, no 5, juillet 2020.

L’art ne progresse pas. Horizontalement, ou contrapunctiquement, ou dialogiquement, il se dévoile. D’où, de numéro en numéro, nos incessants va-et-vient entre le présent et le passé. Ici, du Triomphe de Thomas Zins de Matthieu Jung (Olivier Rey) à La Beauté sur terre de Charles-Ferdinand Ramuz (Didier Castelan) et d’Athos le forestier de Maria Stéfanopoulou (Yannis Kiourtsakis) au Secret de Klara Benda de Jan Čep et de Que chaque chose trouve sa place de Sylvie Richterová (Massimo Rizzante), aux revues historiques (Boniface Mongo-Mboussa) et aux trésors des églises bretonnes (Yves Lepesqueur), en passant par l’interrogation esthétique (Patrice Jean) et les embrouillaminis de la vie moderne (Jean-Philippe Sedikhi).

Il serait probablement très difficile de trouver un autre dessinateur pour accompagner le rire trop humain de Čapek que Jean-Jacques Sempé.

Petr Král fut l’ami et le collaborateur de L’Atelier du roman. Il est mort à Prague en juin de cette année. L’article de Francesco Forlani lui est dédié.

L’art ne progresse pas. « Science sans conscience c’est la ruine de l’âme », disait le géant Rabelais il y a quatre cent quatre-vingt-huit ans.

L’œuvre de Čapek est plus qu’actuelle, elle est belle. C’est par sa beauté qu’elle nous interpelle, qu’elle nous amène à la connaissance, qu’elle, comme toute vraie création, nous libère des meules de l’optimisme et du pessimisme.
L. P.

Couverture du n° 101 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 101

LE CORPS EST-IL LE NOYAU OU LA FRONTIÈRE DE NOTRE LIBERTÉ ?

 

 

Quoique la 6e Rencontre de Thélème a eu lieu en octobre 2019, on dirait que son sujet, « Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté ? » a été inventé en résonance avec les récentes restrictions de nos libertés décidées pour faire face au danger du Covid-19. Placés devant le dilemme, la santé ou la liberté, le choix est évident. Or, tout le problème est de réfléchir sur la question de la liberté avant que ce soit trop tard, c’est-à-dire avant qu’on nous enferme dans de pareils dilemmes. D’où, à notre sens, l’importance de ce numéro, dont tous les articles convergent vers le même constat : quoi qu’on fasse, on n’apprivoisera jamais le corps humain.

Dans le reste de la matière – illustrée comme d’habitude par Sempé –, on trouvera des écrits déclinant le sujet principal sur d’autres registres, ainsi que des articles critiques et des réflexions qui prouvent que, pour L’Atelier du roman, liberté n’est pas un mot creux.

 


SOMMAIRE

 

 

Couverture du n° 101 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 101

LE CORPS EST-IL LE NOYAU OU LA FRONTIÈRE DE NOTRE LIBERTÉ ?

 

 

SOMMAIRE

Ouverture

Simonetta Greggio, À qui est mon corps ?
Philippe Garnier, L’insoutenable liberté de dormir
Laurence Tardieu, Venir au monde
Lakis Proguidis, Le corps de quelle civilisation ?
Gwenaëlle Aubry, Signer le corps
Philippe Renonçay, Bientôt nous serons morts
Yann Kerninon, Les corps déracinés
Carlotta Clerici, Mon corps et moi
Adrian Mihalache, Le corps : comment s’en débarrasser ?
Patrice Jean, Rimbaud contre Steve Austin
Béatrice Commengé, « Ma petite île cernée d’os »

  À la une : Olivier Maulin

Critiques
Alain Callais-Messaoudi, Misère d’une fille sans parole – À propos d’Après la chute, d’Olivier Rey
Yves Lepesqueur, Sur les pistes oubliées du roman colonial
Steven Sampson, Tournier, mon ami – Tournier parti, de Serge Koster
Lakis Proguidis, Un cénotaphe pour Aude – Si je t’oublie, de Morgan Sportès

À la une : Trevor Cribben Merrill

Les cahiers de l’atelier
Yves Baudon, Le dernier tour
Joël Roussiez, Manière de faire de ce qui se chante encore

  À la une : Théo Ananissoh

De près et de loin
Mathieu Dayras, Fellini, Kundera et l’université en ruine
Maja Brick, Les anges et les diables

Au fil des lectures
Isabelle Daunais, Un nom pour la postérité

 

Le thème de la VIIe Rencontre de Thélème


OUVERTURE

 

 

Couverture du n° 101 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 101

LE CORPS EST-IL LE NOYAU OU LA FRONTIÈRE DE NOTRE LIBERTÉ ?

 

 

Le hasard, qui est peut-être l’autre nom du romanesque, a voulu que ce numéro, prévu comme d’habitude pour le mois de mars, paraisse maintenant, à savoir au moment où réfléchir sur les rapports du corps à la liberté est hors question, pour ne pas dire que cela sonne incongru.

En 2014 L’Atelier du roman a inauguré ses Rencontres de Thélème. Thème permanent : la liberté. Chaque année nous scrutons le même mot. Le même mot mais différemment. Car chaque fois c’est un autre écrivain qui introduit le sujet. En 2014: «Mot de passe : Thélème!» (François Taillandier). 2015: «Quelles règles pour quel jeu?» (Jean-Yves Masson). 2016: «Liberté, quel intérêt?» (Pia Petersen). 2017: «Une liberté impertinente» (Denis Grozdanovitch). 2018: «L’identité contre la liberté» (Belinda Cannone). L’année dernière la Rencontre a été introduite par Simonetta Greggio: «Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté?»

Grâce à Isabelle Daunais, Rosie Carpe est de retour. Rosie Carpe est l’héroïne du roman éponyme de Marie NDiaye, auquel a été consacré le 35e numéro de L’Atelier du roman (septembre 2003).

L’abbaye de Seuilly, le lieu où ont lieu nos Rencontres de Thélème, se trouve à huit cent mètres de la Devinière. C’est là, dit-on, qu’a vu le jour celui qui a démontré, avec des arguments irréfutables, que la Nature est toujours clémente envers ceux qui boivent et s’amusent en joyeuse compagnie.

L’économie progressionnelle fait disparaître les travaux en commun et les distractions de la vie sociale pour installer ses infrastructures à la place et propose ensuite aux individus des appareils pour rompre leur solitude sans avoir à sortir de chez eux. Toutes les facultés merveilleuses qu’on prête aux ordinateurs et à leur réseau interactif ont ainsi été prises aux hommes et à leurs unions sociales, leur ont été soustraites et maintenant retirez-leur ces machines et par eux-mêmes ils ne sont rien ; ce qui fait la raison de leur attachement à celles-ci et au monde qui les fournit : et quand l’ordinateur multimédia s’offre à réunir quelques-unes des facultés qui lui ont été volées, l’habitant moderne y voit une chance de se développer librement : le voici enfin réuni en une seule machine.
Baudouin de Bodinat, La Vie sur terre, 2008.

Réfléchir, c’est revenir à ce qu’on a vu et revu – Pierre Benoit (Olivier Maulin), le «roman colonial» (Yves Lepesqueur), Thomas Mann (Théo Ananissoh), Fellini et Kundera (Mathieu Dayras) – ou qu’on a failli de ne pas voir: Après la chute, d’Olivier Rey (Alain Calais-Messaoudi). Quant à ce qu’on n’a jamais vu, le verbe approprié est créer (Trevor Cribben Merrill, Yves Baudon, Joël Roussiez).

Dans un numéro où on parle beaucoup du corps, c’est tout à fait logique de parler des maladies, des souffrances et de la mort (Steven Sampson, Théo Ananissoh et celui qui signe) – sans toutefois oublier les anges (Maja Brick).

Réfléchir rime avec rire et vice versa. La preuve par Sempé.

Le verbe en vogue est «inventer». Il faut inventer un autre mode de vie, disent-ils. Trop tard. Le fait est déjà accompli. De la servitude volontaire dont parlait Étienne de La Boétie à la surveillance volontaire, cela a pris quatre cent soixante-douze ans. Dorénavant, tout ira plus vite.

«La pratique médicale est une farce jouée par trois personnages : le malade, le médecin, la maladie.» Docteur Rabelais dixit.

L. P.

Couverture du n° 100 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 100

MILAN KUNDERA - LE PRINTEMPS DU ROMAN

 

 

Ce 100e numéro de L’Atelier du roman – que nous fêterons le jeudi 9 avril à la Maison de l’Amérique latine – est entièrement consacré à Milan Kundera. Et pour cause : œuvre capitale, novatrice, régénératrice pour l’art du roman, elle est aussi l’œuvre qui, plus que toute autre, contribue à l’accomplissement de l’œuvre de L’Atelier du roman. De surcroît, comme le prouvent les participants du monde entier à ce numéro, œuvre toujours vivante, toujours impliquée dans les énigmes du monde actuel, s’interrogeant toujours sur les impasses en série auxquelles conduisent implacablement nos bonnes intentions.
Centième publication oblige, le lecteur trouvera à la fin du volume le «bilan» du travail atelieresque effectué depuis la fondation de la revue, en 1993, jusqu’à aujourd’hui. Toujours accompagné du rire bienveillant de Sempé.

En librairie : 19 mars 2020. 248 pages.

 


SOMMAIRE

 

 

Couverture du n° 100 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 100

MILAN KUNDERA - LE PRINTEMPS DU ROMAN

 

 

SOMMAIRE

 Ouverture. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Christian Salmon, Comment le monde est devenu kundérien. . . 11
Massimo Rizzante, L’Amérique latine de Milan Kundera. . . . . . . 16
Guy Scarpetta, Milan Kundera, écrivain français ?. . . . . . . . . . . 25
André Major, L’après-Kundera. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Benoît Duteurtre, Le roman, la musique et les arts. . . . . . . . . . . 37
Marek Bie´nczyk, Césure et sublime. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Sylvie Richterová, Connaître par le beau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
François Ricard, Le soin de son oeuvre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
François Taillandier, Le romanen tant que liberté. . . . . . . . . . . . . 64
Eryck de Rubercy, Parlons encore de Kafka. . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Sylvie Kandé, Poids et mesures : Kane, Kundera et Parménide. . 75

Juan Villoro, Le joueur de hockey. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
Isabelle Daunais, Le retour des personnages – La leçon de Balzac,la leçon de Tolstoï. . . 87
Yoshinari Nishinaga, Je me souviens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Reynald Lahanque, Les campanules. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
Martin de Haan, Variations sur le « moi » – Kundera et Bacon. . . . 101

Entretien, Milan Kundera – Normand Biron. . . . . . . . . . . . . . . . 109

Alain Finkielkraut,Moments kundériens. . . . . . . . . . . . . . . . . 127
Steinunn Sigurdardóttir, La cruelle plaisanterie. . . . . . . . . . . 132

L’Atelier du roman

Thomas Pavel, Mensonge et brouillard dans « Les lettres perdues » 138
Maxime Rovere, Kundera, romancier de l’interaction. . . . . . . . . . 144
Fridrik Rafnsson, Une renaissance romanesque. . . . . . . . . . . . . . 150
Yannick Roy, S’installer dans la chute. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
Yves Hersant, Du roman à la comédie – et retour. . . . . . . . . . . . . 163
Simona Carretta, L’existence romanesque. . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Frédéric Beigbeder, Hâte-toi lentement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
Trevor C. Merrill, Sagesse de La Lenteur. . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
Michel Biron, La honte comme événement romanesque. . . . . . . . 186
Raphaël Arteau mcneil, Apprendre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Miguel Gallego Roca, « Pour que tu ne saches jamais ce que tu as vécu ». . . . . 200
Olivier Maillart, Un regard épris et lucide. . . . . . . . . . . . . . . . . 206
Baptiste Arrestier, Fenêtre sur le présent. . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
François Ricard, Relecture des Testaments trahis . . . . . . . . . . . . . 216
Lakis Proguidis, Désaccord catégorique avec l’être. . . . . . . . . . . . 222
Dates et oeuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229

Bilan provisoire : Lakis Proguidis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233


OUVERTURE

 

 

Couverture du n° 100 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 100

MILAN KUNDERA - LE PRINTEMPS DU ROMAN

 

 

Ce centième numéro entièrement consacré à Milan Kundera n’est pas seulement un hommage à un romancier qui, par ses romans et ses essais, a marqué de manière significative l’histoire de son art. C’est aussi l’expression d’une profonde reconnaissance, car L’Atelier du roman est le principal bénéficiaire de son enseignement et de ses ouvrages. Né à Brno (Tchécoslovaquie) en 1929 et installé en France depuis 1975, Kundera a conquis la scène littéraire mondiale dès la fin des années soixante. Son oeuvre, à la fois corrosive et trop humaine, farcesque et mystérieuse, plaisante et profonde, moderne et fidèle à l’héritage de Rabelais et de Cervantès, est traduite dans presque tous les pays.

Réussir à fêter le centième numéro – ce sera le jeudi 9 avril à la Maison de l’Amérique latine – est une chose, certes. Mais l’essentiel est d’y arriver sans altérer le but fixé au premier numéro : susciter et conduire un vrai dialogue esthétique autour de l’art du roman. Ce qui ne se serait jamais réalisé, s’entend, sans la confiance des écrivains et la complicité de nos amis et collaborateurs.

Un grand merci à Milan Kundera, Vera Kundera, Jean-Jacques Sempé, François Ricard, Massimo Rizzante et à tous les participants.

l’atelier du roman Selon les convenances en usage, l’artiste ne peut s’exprimer que partiellement. Il lui est permis de « chanter », mais il n’a pas le droit de parler ; il doit être tourné face à l’art, non pas face aux hommes ; ce serait un manque de tact si ce prêtre, célébrant sa messe face à l’autel, tout à coup se souciait de ce que les gens font de lui, derrière lui, et s’il se mettait, par exemple, à en découdre pour telle ou telle interprétation de ses oeuvres et de sa personne (une chose entraîne l’autre). Witold Gombrowicz, Testament .

Le « Bilan provisoire » qui figure à la fin du volume est repris, légèrement modifié, de La Revue des revues (automne 2019, n o 62) où il a été publié sous le titre « L’Atelier du roman fête ses 25 ans ». Je tiens à remercier Ent’revues pour avoir autorisé cette reprise.

À une époque où le roman chancelait entre les expérimentations in vitro et le reportage, Kundera réussit à renouveler la forme de cet art par excellence européen et à la réorienter vers les grandes énigmes de l’existence et du monde contemporain. Dans cette deuxième moitié du xx e siècle on avait commencé à ne plus croire au roman. L’oeuvre de Kundera constitue la démonstration artistique, intellectuelle et éthique qu’un monde privé de l’art du roman sera un monde aveuglé, coupé de tout moyen pour se connaître et pour maîtriser ses supposées avancées.

Je pense avec gratitude à tous ceux qui ont soutenu notre aventure atelieresque... Buvons ! L. P.

 

Couverture du n° 99 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 99

Colette - Les mille facettes de la séduction

 

 

Ce numéro, comme nous l’avons souvent fait, est un dialogue esthétique autour d’une œuvre romanesque remarquable. Pourquoi Colette cette fois ? Pour prendre le contre-pied de la tendance actuelle de mettre en valeur la personne de l’écrivain au détriment de son œuvre. Que la vie de Colette est unique, personne n’en doute. Mais qu’en est-il de l’unicité de sa littérature ? Quinze écrivains essaient de répondre.
Nous parlons aussi de l’école, du Japon, de la Silicon Valley, de la civilisation festive, de Soljenitsyne, d’Homère, de la Roumanie, du Québec, de la bio-technologie, de Thomas Mann et de Naples. Toujours par le biais du roman. Et toujours accompagnés du rire bienveillant de Sempé.

En librairie: 5 décembre 2019.

 


SOMMAIRE

 

 

Couverture du n° 99 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 99

Colette - Les mille facettes de la séduction

 

 

Ouverture

Léa Petges, Regarde !
Frédéric Maget, Colette paradoxe
Thomas Pavel, Comment éviter la profondeur
Samia Bordji, La Vagabonde : être en femme, tout simplement
Gérard Bonal, La Naissance du jour : « Imaginez-vous, à me lire, 
que je fais mon portrait ? »
Martine Charreyre, « Devenir ton illusion »
Marin de Viry, Colette dans la bataille
Reynald Lahanque, Un étrange attachement
Cécilia Dutter, La Chatte et moi
Corentin Zurlo-Truche, Colette au théâtre
Eryck de Rubercy, L’école de la nature
Jean-Marc Bastière, Colette l’archaïque
Frédéric Beigbeder, La faute à Colette
Pascale Privey, Pygmalionne
Lakis Proguidis, Il était une fois...
Dates et œuvres

à la une : Yannick Roy

Critiques
Didier Castelan, De l’école – Sur Nos jeunes, d’Alexandre Soljénitsyne
Raphaël Arteau Mcneil, Silicon Valley, capitale du xxie siècle
– Sur The Big Disruption, de Jessica Powell
Massimo Rizzante, L’art incarné de Kenzaburô Ôé
Thierry Gillybœuf, Gheorghiu et moi
Lakis Proguidis, Après la civilisation – Sur Chers djihadistes..., de Philippe Muray

à la une : Boniface Mongo-Mboussa

de près et de loin
Baptiste Arrestier, Qui, de Settembrini ou de Naphta, avait raison ? – Le roman et le religieux en temps de troubles spirituels
Gilles Carasso, La solution bio-technologique

au fil des lectures
François Taillandier, De Winchester à Naples en passant par Bordeaux


OUVERTURE

 

 

Couverture du n° 99 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 99

Colette - Les mille facettes de la séduction

 

 

Que de nos jours les différents mouvements émancipateurs se réclament de Colette (1873-1954) en prenant appui sur sa vie décalée par rapport à la norme sociale, est tout à fait compréhensible. Mais qu’en est-il de ses romans, de son théâtre, de ses nouvelles ? Qu’en est-il de la valeur de ses œuvres et de leur place dans une époque où la littérature française dominait la scène internationale ? Poser ces questions et essayer d’y répondre est déjà un indice clair que, pour L’Atelier du roman, Colette doit être surtout admirée pour ce qu’elle a fait de « décalé » par rapport à la norme littéraire.

Ce numéro, nous le devons largement à Philippe Muray. Nous parlions souvent de Colette. Il faut, me disait-il, redécouvrir son « lyrisme antilyrique » et son « sens du réel ». C’était en 2004, deux ans avant sa mort.

Infinis remerciements à Gérard Bonal et Frédéric Maget pour leurs conseils amicaux et leur aide tout au long de la préparation de ces pages.

En soixante-cinq ans depuis la mort de Colette, nous n’avons pas arrêté de progresser (Raphaël Arteau McNeil et Gilles Carasso) et de régresser (celui qui signe) tout en continuant à poser la même question : qui, de Settembrini ou de Naphta, avait raison ?

Par temps de biopics tous azimuts n’hésitons pas de le préciser : « Les mille facettes de la séduction » du titre générique se rapportent à l’œuvre et pas à l’auteur.

« J’ai la longue habitude de croire Balzac sur parole », avouait jadis Colette. Je suis comme elle exactement. Si les littérateurs d’aujourd’hui l’imaginent démodé, Balzac, c’est qu’ils ne se sont jamais regardés. Tétanisés par leur accession au show, qu’ils ne désirent tant que parce qu’ils sont persuadés que c’est la condition de leur survie, ils ne tiennent pas à savoir que c’est leur condamnation. Ils préfèrent passer fantômes sur la scène que d’être écartés de celle-ci.
Philippe Muray, « Désaccord parfait », La Règle du jeu n° 9, 1993.

Apparemment, dans la déchristianisation de nos sociétés, les baby boomers ont été beaucoup plus efficaces (Yannick Roy) que Ceausescu et ses camarades (Thierry Gillybœuf).

La multiplication des lectures différentes des grandes œuvres romanesques du présent et du passé, telle que nous essayons de la pratiquer de numéro en numéro, n’a qu’un seul but : prouver l’impossibilité de les réduire en une interprétation conforme aux visées du mainstream.

C’est par sa mère que Colette a appris à bien regarder le monde et par son père à bien écrire. Vu l’excellence de l’œuvre littéraire accomplie suite à cette éducation familiale, refléchissons un peu sur le rôle de l’éducation scolaire (Didier Castelan).

Quoique Colette n’ait pas pratiqué la poésie, sa prose témoigne d’une très grande sensibilité poétique. C’est que la poésie qu’elle avait assidûment pratiquée pendant sa jeunesse a été diluée dans son imagination. Ce qui n’est pas le cas des écrivains comme Kenzaburô Ôé (Massimo Rizzante), François Taillandier et Boniface Mongo-Mboussa qui traitent la poésie comme un interlocuteur actif, insoluble dans la prose.

Les quatre numéros à venir : le 100e numéro (mars 2020) sera entièrement consacé à Milan Kundera, la 101e, à la 6e Rencontre de Thélème : « Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté ? » (juin 2020), le 102e, à Karel Capek (septembre 2020) et le 103e, à Flannery O’Connor (décembre 2020).

Les œuvres d’art n’ont pas besoin du show médiatique pour assurer leur survie. Leur décalage par rapport à notre intelligence leur suffit. Ce sont des énigmes éternelles. Les dessins humoristiques de Sempé en font amplement partie.
L. P.