Couverture du n° 98 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 98

"Chaka", de Thomas Mofolo

D'un coeur des ténèbres l'autre

 

 

Avec ce numéro, et pour la nième fois, L’Atelier du roman affirme son caractère de revue littéraire de dialogue esthétique par-delà les frontières géopolitiques et les fixations culturelles. En choisissant comme sujet principal le roman Chaka de Thomas Mofolo, écrit en souto en 1908, ce dialogue se déploie sur deux pistes : d’un côté nous réfléchissons sur l’importance accordée à cette œuvre tout au long des controverses concernant l’histoire du continent africain et, de l’autre, nous essayons de souligner la place exceptionnelle de ce roman dans la littérature mondiale.
C’est aussi dans ce même esprit de dialogue que nous accueillons des critiques allant des auteurs dits classiques, Boccace et Scott, à nos contemporains comme, entre autres, Renonçay et Grozdanovitch. Sans oublier, s’entend, de commenter l’actualité par le biais du roman, et sans nous écarter du propre de l’homme, ici incarné par les dessins humoristiques de Sempé.

 


SOMMAIRE

 

 

Couverture du n° 98 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 98

"Chaka", de Thomas Mofolo

D'un coeur des ténèbres l'autre

 

 

Ouverture

Chaka, de Thomas Mofolo
d’un cœur des ténèbres l’autre
Boniface Mongo-Mboussa, Un classique immobile
Nunzio Casalaspro, Fils du ciel
Sylvie Kandé, Chaka et l’arbre du Bokoné
Gauz, Damn you Thomas !
Théo Ananissoh, Quand les Africains étaient seuls au monde
Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Chaka, de l’histoire au roman – 
Le regard d’un politiste
Mirjana Robin-Cerovic, De Paris à Teyateyaneng, le territoire de l’œuvre
Jean-François Chanson, Chaka bédéisé – Entretien avec Boniface Mongo-Mboussa
Yves Lepesqueur, Parler au monde en souto
Mehdi Clément, Issanoussi à travers les âges
Lakis Proguidis, Le Pouvoir, rien que le Pouvoir

À la une : Olivier Maulin

Critiques
Philippe Garnier, Le sauvage introuvable – Sur Explorateurs, touristes 
et autres sauvages, de Jean Talon
Steven Sampson, «Rétro-fiction» : s’approprier l’Amérique vintage
Yannis Kiourtsakis, Camus : exil, nostos et patrie
Céline Flécheux, L’instant propice – Sur Le dieu Kairos, de Didier Laroque
Lakis Proguidis, Les lucioles se cachent – Sur Les Portraits de Laura Bloom, 
de Philippe Renonçay
Émilie Richard, Des fourmis et des hommes – Sur Dandys et Excentriques, 
de Denis Grozdanovitch
Myrto Petsota, Scott, romancier tout court – À propos de Waverley

À la une : Théo Ananissoh

De près et de loin
Henri Lopes, Un rayon précieux dans ma bibliothèque
François-Xavier Fauvelle, L’histoire de l’Afrique permet de repenser 
l’histoire du monde – Entretien avec Anne Bocandé
Fulvio Caccia, Novella
Régis Quatresous, La biographie qui manquait – Kafka, de Reiner Stach

À la une : Yves Lepesqueur

Au fil des lectures
Benoît Duteurtre, Au fil des lectures… et des actualités


OUVERTURE

 

 

Couverture du n° 98 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 98

"Chaka", de Thomas Mofolo

D'un coeur des ténèbres l'autre

 

 

Ouverture

Écrit en souto en 1908, publié à Paris en 1925, traduit en français en 1940, et aussi dans plusieurs autres langues, Chaka de Thomas Mofolo est une œuvre capitale de la littérature mondiale. Mofolo romance la montée fulgurante et la chute terrifiante de Chaka (1787-1828), le fondateur de l’empire des Zoulous, qui a eu l’ambition d’unifier sous son autorité une vaste région au sud-est de l’Afrique. Ce n’est pas alors un hasard si ce livre se trouve toujours au cœur des controverses concernant l’histoire de l’Afrique.

Nous ne faisons pas des «dossiers». Nous interrogeons des romans que nous considérons importants pour notre éducation esthétique et pour notre dialogue avec les énigmes du monde.

Cinquante ans cette année de la mort de Witold Gombrowicz à Vence. À son arrivée à Paris, en 1964, il se plaignait de l’absence des «cafés littéraires». « Mais où faites-vous votre littérature?» En effet, où?

Mœurs éditoriales: le livre d’entretiens de Mario Vargas Llosa avec Rubén Gallo (titre original: Conversación en Princeton con Rubén Gallo) est paru chez Gallimard, dans la collection «Arcades», sous le titre L’Atelier du roman! Personne ne nous a contactés pour nous demander l’autorisation de faire usage du titre de la revue…

La structure de l’art, telle que je la conçois, est, comme celle de l’esprit humain, antinomique, fondée sur l’association des contraires et leur jeu compensatoire. Le non-sens et la blague doivent être compensés dans l’art par le sens et le sérieux. De même, la «facilité» dans la création artistique doit être d’une façon ou d’une autre complétée et rachetée par l’effort, la difficulté.
Witold Gombrowicz, Journal (1968).

Pourquoi Chaka quand il y a tant de sujets brûlants qui font l’actualité? Ils ne sont pas brûlants, ces sujets, ils font tout bêtement l’actualité. C’est Chaka qui est un sujet vraiment brûlant. La preuve.

À l’heure des biopics, il faudrait nous méfier des biographies. Mais peut-être celle de Kafka de Reiner Stach dont parle Régis Quatresous est l’exception qui confirme nos craintes.

Le «jeu compensatoire» (Gombrowicz) est illimité. Faire côtoyer, par exemple, nos écrivains contemporains – Jean Talon (Philippe Garnier), Didier Laroque (Céline Flécheux), Philippe Renonçay (celui qui signe), Denis Grozdanovitch (Émilie Richard) et Graham Swift (Théo Ananissoh) – avec les classiques – Albert Camus (Yannis Kiourtsakis), Walter Scott (Myrto Petsota) et Boccace (Fulvio Caccia). Ou sortir de notre bergerie pour rencontrer Offenbach (Benoît Duteurtre) et les poètes mystiques indiens du xve et xvie siècle (Yves Lepesqueur). Ou, encore, entrelarder nos pages savantes avec les dessins humoristiques de Sempé – merci encore, Jean-Jacques !

Pour apprendre agréablement sur l’histoire de l’Afrique dans le vaste monde, lisez, cher lecteur, Le Rhinocéros d’or, de François-Xavier Fauvelle, ainsi qu’Il est déjà demain d’Henri Lopès.

Jeu de bizarreries: c’est le même pays qui produit Jack Thieuloy (Olivier Maulin) et qui louche vers l’Amérique (Steven Sampson).

Je tiens à remercier Boniface Mongo-Mboussa et Théo Ananissoh pour leur idée de consacrer un numéro à Chaka et, aussi, pour leur aide à la réalisation du projet.

Comment ne pas penser l’énormité de la violence humaine, depuis la criminalité pure jusqu’à la violence nationale et sociale, irrépressible et inarrêtable, étant donné que toute cette violence entre l’homme et l’homme reflète une erreur fondamentale de la pensée, qui devient légitime, acceptable, et même méritoire, en tout cas inévitable, et légitimise le fait de forcer, de violer, de bouleverser la vie en général à des fins pratiques, de violenter le monde et les espaces orbitaux et galactiques, bref, tout ce qui est atteignable et se prête à nos viols magnifiques?
Guido Ceronetti, Insectes sans frontières, 2009.

Jeu de miroirs: Joseph Conrad a écrit Au cœur des ténèbres en 1902. Thomas Mofolo, son Chaka, six ans plus tard.
L. P.

Couverture du n° 97 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 97

À quoi le roman nous relie-t-il?…

Ça a eu lieu à l’Université McGill, à Montréal, l’automne dernier. Nous nous sommes rassemblés à l’initiative d’Isabelle Daunais et grâce au soutien de la Chaire de recherche du Canada sur l’esthétique et l’art du roman dont elle est la titulaire. Je tiens à la remercier d’avoir fait en sorte que nos interventions et nos échanges durant cette rencontre deviennent un ensemble d’écrits atelieresques.

 

 


Couverture du n° 97 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 97

À quoi le roman nous relie-t-il?…

 

SOMMAIRE

Ouverture

À quoi le roman nous relie-t-il?

Thomas Pavel, Peut-on faire confiance en la littérature ?
François Ricard, La vraie vie est dans le roman
Isabelle Daunais, Des chemins à travers le temps gouverné par l’oubli
Marek Bienczyk, Deux fois rien
Yannis Kiourtsakis, Le dialogue entre les vivants et les morts – Entretien avec Yannick Roy
Trevor Cribben merrill, L’art de l’incarnation – Le roman selon Flannery O’Connor
Francesca Iorandini, L’ami prodigieux – Le lecteur de Michel Houellebecq et d’Elena Ferrante
Massimo Rizzante, Le roman à venir
Lakis Proguidis, De la société romanesque
Marie-Claire Blais, Un chœur moderne – entretien avec Michel Biron

  À la une : Trevor Cribben Merrill

Critiques
Michel Biron, Le coup de pied inattendu dans le tibia – Sur 4 3 2 1, de Paul Auster
Denis Wetterwald, L’horizontale... pour se sauver – Sur G. W. Sebald
Myrto Petsota, Nous, Tom Waits, lecteurs de Flannery O’Connor
Olivier Maillart, Des femmes qui s’éloignent – À propos des Portraits de Laura Bloom, de Philippe Renonçay
Miguel Gallego roca, L’imagination végétale – La Végétarienne, un roman en trois temps de Han Kang
Lakis Proguidis, Avancez ! – Sur L’Interruption, de Dominique Noguez

  À la une : Yannick Roy

De près et de loin
Émilie Richard, Le jour où Panurge ne fera plus rire est-il arrivé ?
Fabrizio Tribuzio-bugatti, Les merveilleux barbares de Pasolini

Les cahiers de l’atelier
Jacques Lederer, Un aller simple
Andrea Inglese, C’est comme ça que ça marche

Au fil des lectures
Massimo Rizzante, La guerre et l’art – En lisant Jan Patocka

 


Couverture du n° 97 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 97

À quoi le roman nous relie-t-il?…

 

Ouverture

«À quoi le roman nous relie-t-il?»… Ça a eu lieu à l’Université McGill, à Montréal, l’automne dernier. Nous nous sommes rassemblés à l’initiative d’Isabelle Daunais et grâce au soutien de la Chaire de recherche du Canada sur l’esthétique et l’art du roman dont elle est la titulaire. Je tiens à la remercier d’avoir fait en sorte que nos interventions et nos échanges durant cette rencontre deviennent un ensemble d’écrits atelieresques.

Nous sommes déjà entrés dans l’ère du virtuel. Virtuelles sont de plus en plus les relations humaines, virtuels de plus en plus les déplacements, virtuelles de plus en plus l’histoire et la géographie, de plus en plus l’art, la littérature et jusqu’à la biologie avec ses clones aptes à la vie, virtuelle l’information, virtuelle la sexualité. Le tout virtuel, en un mot. L’unique chose à ne pas demeurer virtuelle : notre mort.
Mohammed Dib, Simorgh, 2003.

Rien ne peut aller mieux pour décrire la quête que nous avons menée à Montréal que le titre générique de la trilogie romanesque de Yannis Kiourtsakis : « Le même et l’autre ». Certes, le même à qui le roman nous relie restera à jamais enfoui dans les insondables profondeurs de la création humaine. Mais, apparemment, il ne refuse pas de se manifester aux interlocuteurs attentifs, chaque fois sous une autre forme.

De toute part on nous entretient de cette méditation de pleine conscience, nous la recommandant en hygiène pour le bien-être ; qui devient une activité de masse en développement personnel, d’adaptation quiétiste aux pressions du régime concurrentiel et aux incertitudes d’un monde en rapide déconstruction. Mais des méditatifs il s’en rencontre de moins en moins, non plus que des pensifs, ou des attentifs, ou simplement des individus qui seraient là en personne.
Dernier Carré, no 2, février 2019.

Nous parlons de nos contemporains, de Paul Auster (Michel Biron), de G. W. Sebald (Denis Wetterwald), de Han Kang (Miguel Gallego Roca), de Michel Houellebecq et d’Elena Ferrante (Francesca Lorandini), de Dominique Noguez (celui qui signe) et de Philippe Renonçay (Olivier Maillart). Ils sont placés sous le regard bienveillant, mais extrêmement exigeant de Flannery O’Connor (Trevor Cribben Merrill et Myrto Petsota), de Molière (Émilie Richard), de Pasolini (Fabrizio Tribuzio-Bugatti) et de Balzac (Yannick Roy). Car si nous ne comparons pas nos œuvres aux réussites du passé, comment pourrions-nous affirmer leur nouveauté ?

Anciens et modernes, tous placés sous le regard humoristique de Sempé. Justice.

Rien ne peut aller mieux pour décrire l’ambiance de cette journée montréalaise que l’adage kunderien à propos de l’Europe de son temps : la plus grande diversité culturelle dans le plus petit espace. Et, fait remarquable, les dix participants, appartenant à six pays différents, ont utilisé le français comme langue de travail.

Et rien n’exlut qu’une rencontre universitaire soit une vraie rencontre d’écrivains. La preuve.

Jan Patocka (Massimo Rizzante) parlait dans les années soixante et soixante-dix de la communauté des « ébranlés ». Il les imaginait disséminés aux quatre coins de la Terre. C’est probablement ce grand philosophe qui a fourni la réponse la plus adéquate à notre interrogation. Ce qui explique sa présence miraculeuse dans ce numéro.

À un mois d’intervalle sont morts deux chers amis et collaborateurs de L’Atelier du roman : Dominique Noguez et Dominique Dussidour – qui était aussi notre correctrice depuis une vingtaine d’années. Nous nous souviendrons toujours d’eux avec affection et reconnaissance.
L. P.

Couverture du n° 96 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 96

L’identité contre la liberté

Pour la cinquième année consécutive a eu lieu en Touraine, au mois d’octobre dernier, la Rencontre de Thélème consacrée, comme les précédentes, à la liberté. Cette fois, le sujet proposé par Belinda Cannone concernait le rapport entre l’identité et la liberté.
À Thélème c’est le dialogue. Dans ce numéro sont publiés les articles rédigés ultérieurement par les écrivains invités – parmi lesquels François Taillandier, Christian Godin, Patrice Jean et Simonetta Greggio.
Liberté rime avec l’écoute du passé (Homère, Verne, Anatole France), avec la critique (Piglia, Houellebecq, Fanny Taillandier), avec les chroniques venues d’ailleurs et avec l’humour de Sempé.

 

 


Couverture du n° 96 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 96

L’identité contre la liberté

 

SOMMAIRE

Ouverture
L’identité contre la liberté
Belinda Cannone, L’art par temps d’identitarisme
François Taillandier, Je ne serais qu’une ombre
Denis Wetterwald, Notre identité, les vagues…
Christian Godin, L’identité fait-elle obstacle à la liberté ?
Lakis Proguidis, Réminiscences poétiques
Judith Coppel, Plaidoyer en faveur des mollusques
Yves Hersant, Trois guides
Patrice Jean, Mon petit Lyré et la pâte à modeler
Boniface Mongo-Mboussa, James Baldwin, un bâtard (assumé) de l’Occident
Simonetta Greggio, Identité et liberté

À la une : Olivier Maulin

Critiques

Massimo Rizzante, Ricardo Piglia ou la critique des écrivains
Raphaël Arteau-Mcneil, Sérotonine : Ceci est mon corps, livré pour vous
Adrian Mihalache, Un homme dans son siècle – L’Éternel Adam, de Jules Verne
Yves Lepesqueur, Territoire sans carte – Par les écrans du monde, 
de Fanny Taillandier
Raphaël Arteau-Mcneil, L’art de l’essai – La Littérature malgré tout, 
de François Ricard

À la une : Boniface Mongo-Mboussa

Les cahiers de l’atelier
Dorothea Marciak, Une Pénélope
Stéphane Chao, L’avènement d’Ulysse

À la une : Yves Lepesqueur

Entretien

Matthieu Jung – Charles Villalon, Retour à Thomas Zins

Au fil des lectures
Isabelle Daunais, Sancho et le fil de la lecture

Le thème de la VIe Rencontre de Thélème


Couverture du n° 96 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 96

L’identité contre la liberté

 

Ouverture

Une revue littéraire ne vaut que dans un monde où les revues littéraires prolifèrent. C’est seulement dans un tel monde qu’une revue littéraire peut jouer son rôle principal : promouvoir le dialogue des écrivains autour des valeurs qui ont peu à voir avec les impératifs du Marché.

En 2014 L’Atelier du roman a inauguré ses Rencontres de Thélème. Thème permanent: la liberté. Chaque année nous scrutons le même mot. Le même mot mais différemment. Car chaque fois c’est un autre écrivain qui introduit le sujet. 2014: «Mot de passe: Thélème!» (François Taillandier). 2015: «Quelles règles pour quel jeu?» (Jean-Yves Masson). 2016: «Liberté, quel intérêt?» (Pia Petersen). 2017: «Une liberté impertinente» (Denis Grozdanovitch). L’année dernière la Rencontre a été introduite par Belinda Cannone: «L’identité contre la liberté».

On confond de plus en plus débat et dialogue. Pourtant la différence crève les yeux : dans un débat, comme son nom l’indique, il y a toujours des gagnants et des perdants ; au dialogue tout le monde gagne.

Dialogue rime avec interlocuteurs qui parlent en leur nom. Sinon nous sommes en régime de communication ou, ce qui revient au même, de publicité.

La perfection du système de communication se solde par la disparition des interlocuteurs ; sans parler du triomphe du signe sur le signifié dans les arts et, maintenant, de la chose sur l’image… Processus circulaire : la pluralité se résout en uniformité, sans supprimer la discorde entre nations ni la séparation des consciences ; la vie personnelle, exaltée par la publicité, se dissout en vie anonyme : la nouveauté journalière finit par devenir répétition et l’agitation débouche sur l’immobilité.
Octavio Paz, L’Arc et la Lyre, 1956.

Je tiens à remercier la Région Centre, l’association Autour de Babel et la Commune de Seuilly pour leur soutien continu.

L’abbaye de Seuilly, l’endroit où ont lieu nos Rencontres de Thélème, se trouve à huit cent mètres de la Devinière. C’est là, dit-on, qu’a vu le jour celui qui a su transformer le vin en verbe et les passions trop humaines en joutes joyeuses.

Le Marché n’a aucun intérêt à soutenir les revues littéraires. Rien ne doit échapper à sa logique, à son rythme, à sa périodisation saisonnière, à son temps structuré autour de ce qui se vend à ce moment-là.

Comment être sûr qu’on arrivera à dire quelque chose d’intéressant si on n’est pas en dialogue ininterrompu avec le passé, tant lointain, comme celui d’Homère (Dorothea Marciak, Stéphane Chao), que récent, comme celui de Cervantès et d’Anatole France (Isabelle Daunais) ?

Platon, l’inventeur du mot et expert en la matière, recommandait vivement d’agrémenter les dialogues des digressions. D’où cette escapade en Géorgie (Yves Lepesqueur) et cette quête poétique russo-africaine (Boniface Mongo-Mboussa).

Dans le 94e numéro (septembre 2018) nous avons publié neuf articles sur Le Triomphe de Thomas Zins de Matthieu Jung. Neuf articles, neuf éclairages différents sur un roman apparemment inépuisable. Le temps est venu afin que l’auteur, interviewé par Charles Villalon, nous livre le sien.

À Thélème nous discutons et passons un bon moment ensemble. Les articles des participants qui paraissent dans le présent numéro sont le fruit d’un travail ultérieur.

Dialogue des écrivains rime avec polyphonie diachronique. Autrement dit, il faut faire résonner Houellebecq (Olivier Maulin, Raphaël Arteau-McNeil) avec Piglia (Massimo Rizzante), Verne (Adrian Mihalache), Fanny Taillandier (Yves Lepesqueur), François Ricard (Raphaël Arteau-McNeil) et Sempé.
Et avec beaucoup d’autres, s’entend. D’où, je le répète, le besoin vital des revues littéraires.
L. P.

Couverture du n° 95 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 95

Simon Leys ou le plaisir de la critique

L’Atelier du roman, fête ses 25 ans d’existence avec ce 95e numéro consacré à Simon Leys.
Pouquoi Leys? Parce que son esprit critique, son honnêteté intellectuelle, son cosmopolitisme, son humour et sa défense inconditionnelle de la primauté de l’art face aux idéologies, représentent les valeurs sur lesquelles est fondée la revue et qu’elle essaie d’incarner, numéro après numéro.
Des chroniques, des pages sur V.S. Naipaul, Bernanos, Sylvain Tesson, Dostoïevski, Kenneth White, Frannery O’Connor et Hermann Broch, ainsi que les dessins humoristiques de Sempé complètent la matière de ce numéro d’anniversaire.

 

 


Couverture du n° 95 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 95

SOMMAIRE

Simon Leys ou le plaisir de la critique

Ouverture

Emmanuel Dubois de Prisque, Napoléon et ses doubles
Patrice Jean, Le militantisme et son antidote
Denis Grozdanovitch, L’«honnête homme» Pierre Ryckmans
Eryck de Rubercy, Simon Leys, lecteur de Don Quichotte
David Collin, D’une Chine à l’autre – Segalen-Leys
Bernard Quiriny, Leys et l’oreiller crevé
Mehdi Clément, Les hauts-fonds de la certitude – De Leys à Alexandrou
Morgan Sportès, Leys, Mao et moi
Julian Evans, Quatre mots clés
Myrto Petsota, Du sens !
Florent Georgesco, Qu’est devenue Maria-Antonietta Macciocchi ?
Thierry Gillybœuf, Les identités multiples de Simon Leys
Lakis Proguidis, Un dissident occidental - Dates et œuvres

À la une: Yannick Roy

Critiques
Marie-Louise Audiberti, Soleil grec – Un été avec Homère, de Sylvain Tesson
Olivier Maillart, Deux lectures de Georges Bernanos
Baptiste Arrestier, Hermann Broch et l’aspect cognitif du roman
– Une éthique de la totalité

À la une: Trevor Cribben Merrill

Les cahiers de l’atelier
Eryck de Rubercy, Kenneth White ou le splendide hasard de la rencontre
Kenneth White, Le songe d’une nuit d’hiver suivi de L’esprit de limite

À la une: Théo Ananissoh

Au fil des lectures
Marek Bienczyk, La rame, la cuiller – Quelques remarques sur la lenteur

De près et de loin
Fernando Arrabal, Le plaisir douloureux de pleurer
Lakis Proguidis – Morgan Sportès, De la critique (Une discussion) ouverture


Couverture du n° 95 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 95

Ouverture

Avec ce numéro, L’Atelier du roman fête ses vingt-cinq ans. Aucun écrivain n’illustre mieux la raison d’être de notre revue que Simon Leys. Aucun écrivain ne peut mieux représenter notre ambition de pratiquer une critique littéraire «plaisante et robuste», comme il est noté dès l’«ouverture» du premier numéro.

«Identités multiples». Le titre que Thierry Gillybœuf a choisi pour son article concernant Simon Leys peut parfaitement être repris pour concrétiser l’ensemble du travail que nous avons effectué pendant vingt-cinq ans. En soulignant toutefois que, comme dans le cas de Simon Leys, ce sont des «identités» intégrées dans une partition polyphonique, jamais achevée.

Simon Leys (1935-2014) est surtout connu pour son «témoignage» Les Habits neufs du président Mao (1971), un livre en contraste absolu avec les illusions d’une grande partie des intellectuels occidentaux des années soixante à propos de la Révolution culturelle chinoise. Mais le succès d’un livre peut parfois occulter la valeur des autres. C’est ce qui est un peu arrivé avec Leys. Pourtant, il s’agit d’un esprit universel, autant exquis que fécond, couvrant plusieurs champs littéraires: de la critique d’art et littéraire au reportage, des récits de voyage au roman et de la traduction à la haute sinologie.

Double anniversaire: vingt ans déjà que Jean-Jacques Sempé illustre cette revue!

L’«ouverture» du premier numéro se terminait ainsi: «Un seul pari à tenir: sortir complètement de la tradition “dossier”, aller directement au but, ouvrir la porte de l’atelier des écrivains honorés, y faire irruption, sans préliminaires, sans savantes et inutiles notes biographiques, sans fouiller dans leur vie privée et, surtout, sans terroriser les lecteurs avec l’érudition des fichiers.»

Les Lotophages […]. Certains lettrés ont voulu deviner à quelle plante le loto faisait référence. Ces savants se trompaient de recherches car le loto métaphorise les occasions de nous détourner de l’essentiel. Après tout, les heures que nous passons, hypnotisés par les écrans digitaux, oublieux de nos promesses, dispendieux de notre temps, distraits de nos pensées, indifférents à notre corps qui s’épaissit devant le clavier, ressemblent aux heures hagardes des marins d’Ulysse sur l’île empoisonnée. Les tentacules de la société digitale s’immiscent en nous. Ils nous arrachent à l’épaisseur de la vie vécue.
Sylvain Tesson, Un été avec Homère, 2018.

L’Atelier du roman a ses racines dans le séminaire que Milan Kundera a tenu à l’École des hautes études en sciences sociales de 1980 à 1994 sur le grand roman centre-européen. Nous sommes des cosmopolites. Pas des déracinés.

Que Fernando Arrabal me permette d’ajouter à la liste de ses illustres amis défunts, que nous n’oublierons jamais, les noms de Philippe Muray et de Michel Déon.

J’aimerais exprimer toute ma gratitude envers les six cents écrivains du monde entier qui nous ont jusqu’aujourd’hui confié leurs écrits. La «francophonie littéraire» que nous avons initiée il y a une vingtaine d’années n’est pas une utopie.

Le premier numéro de L’Atelier du roman a été consacré à Hermann Broch. En hommage à Kundera qui avait consacré deux ans de son séminaire aux Somnambules. Nous sommes des héritiers (Massimo Rizzante dixit). La lignée remonte à Homère. Sans ce passé solide, riche et toujours vivant, on ne peut rien faire de nouveau.

En relisant l’ensemble de la matière sous sa forme définitive, j’ai subitement eu la sensation d’être dans un voilier en haute mer. Espérons que le bon marin Leys ne sera pas déçu de ses coéquipiers, morts et vivants: Dostoïevski (Yannick Roy), Sylvain Tesson (Marie-Louise Audiberti), Kenneth White (Eryck de Rubercy), Bernanos (Olivier Maillart), V. S. Naipaul (Théo Ananissoh), Martin Mosebach et Flannery O’Connor (Trevor Cribben Merrill), Hermann Broch (Baptiste Arrestier). Notons aussi la présence de Marek Bienczyk, impatient de retourner à son cher canoë, et de Morgan Sportès, à la proue, en train de débattre avec celui qui signe de l’éternelle question du monde médiatique.

Programme 2019:
no 96, L’identité contre la liberté ; no 97, À quoi le roman nous relie-t-il ?
no 98, Chaka, de Thomas Mofolo
no 99, Colette.

Nous sommes les héritiers d’un art, certes, mais aussi, ne l’oublions pas, d’un métier. Un grand merci à nos compagnons.
L. P.

Couverture du n° 94 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 94

Le Triomphe de Thomas Zins

Bon an mal an, on trouve toujours un roman pour lui accorder le qualificatif de chef-d’œuvre. Et quand, un jour, le vrai chef-d’œuvre apparaît, il n’y a presque personne pour le signaler.
Ainsi, pour L’Atelier du roman, revenir sur Le Triomphe de Thomas Zins de Matthieu Jung, un an après sa publication aux Éditions Anne Carrière, était une sorte de devoir.
Réunir plusieurs sensibilités différentes autour de la même œuvre constitue une sorte de dialogue esthétique – de nos jours plus que nécessaire. Car c’est par le croisement de nos lectures que les romans s’enrichissent et peuvent tenir face aux puissances de l’éphémère.
Dans le reste de la matière, ce dialogue prend d’autres formes (critiques, nouvelles, chroniques et réflexions libres) et bifurque aussi vers des districts extra-romanesques (la poésie, la danse), sans jamais perdre le lien avec les dessins humoristiques de Sempé.

 

 


Couverture du n° 94 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 94

SOMMAIRE

Le triomphe de Thomas Zins, de Matthieu Jung
Une chute sans fin

François Taillandier, Ce roman…
Charles Villalon, Un pays sans consolation
Reynald Lahanque, Le contrepoint indochinois
Romaric Sangars, Démonologie du Triomphe
Lakis Proguidis, Ces enfants intégrés
Olivier Maulin, L’épisode indochinois: un roman dans le roman
Florent Georgesco, Le diable porte des espadrilles
Cyril de Pins, Le lycéen de Nancy ou les malheurs d’un provincial
Dominique Noguez, Commentaire éclaté d’un roman éclatant

À la une: Boniface Mongo-Mboussa

Critiques
Mojmír Grygar, Les Buddenbrook: le roman et le film
Jean-Yves Masson, Lettres ultimes – L’Épistolier d’autrefois, de Germont
Romain Debluë, Paul Claudel interroge le roman
Thierry Gillybœuf, La démocratie dans la baignoire – Dans les eaux profondes, d’Akira Mizubayashi

Les cahiers de l’Atelier
Natalia Tolstoï, Le mouvement des femmes
Benoît Heurtel, Le cauchemar de Goethe
Éric Alter, Nous sommes des images qui passent

À la une : Yves Lepesqueur

De près et de loin
Mounir Zakriti, Remuer Ciel et Terre
Gaëtan Brulotte, De la souffrance (Quelques notes)
Florent Duffour, Danser contre les femmes (tout contre)

Au fil des lectures

François Taillandier, N’importe quoi au hasard


Couverture du n° 94 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 94

Ouverture

Le triomphe de Thomas Zins, de Matthieu Jung
Une chute sans fin

Bon an mal an, on trouve toujours un roman pour lui accorder le qualificatif de chef-d’œuvre. Et quand, un jour, le vrai chef-d’œuvre apparaît, il n’y a presque personne pour le signaler. Ainsi, pour L’Atelier du roman, revenir sur Le Triomphe de Thomas Zins de Matthieu Jung, un an après sa publication aux Éditions Anne Carrière, était une sorte de devoir. Il fallait préserver de l’oubli ce travail colossal où se combinent originalité formelle et plaisir romanesque avec une maîtrise extraordinaire. Ce qui n’arrive que très rarement de nos jours. C’est le constat commun de tous les collaborateurs, que je tiens à remercier.

La revue est par excellence le lieu de l’essai, dans tous les sens du terme: un lieu où la pensée, l’écriture, le style, la théorie, la critique, la création se mettent à l’épreuve, acceptent de se donner comme inachevés, partiels, encore en voie de formation, et donc sujets à d’éventuelles révisions et contradictions. Écrire dans une revue, de même que lire une revue, c’est consentir à cette mouvance, à ce déploiement de l’esprit dans le temps, parmi les aléas des circonstances et du changement: work in progress.
Mais est-ce que je ne parle pas d’une chose devenue de plus en plus rare, de plus en plus improbable, dans les nouvelles conditions qui sont faites aujourd’hui à ce que nous appelions alors la «littérature»?
François Ricard, La Littérature malgré tout, Boréal, 2018.

Au café: «Alors, Jean-Yves, que nous proposez-vous pour cette rentrée? – Un formidable roman de Germont. À mon avis il s’agit d’une œuvre qui mérite d’être largement connue mais je crains qu’elle ne passe inaperçue… – Vous pouvez toujours en parler dans les pages de L’Atelier, vous savez. – Mais j’en suis l’éditeur. – Raison de plus. Nous sommes nombreux à vouloir connaître ce que pensent les éditeurs à propos de ce qu’ils publient.»

Il y a un certain temps, un éditeur nous faisait remarquer que nous parlons trop peu de romans publiés en France, année après année. Normal, ai-je répondu. Pour une revue dont l’ambition est de stimuler le dialogue esthétique autour de l’art du roman, son premier souci n’est pas de suivre la production éditoriale. C’est de donner la parole aux écrivains et aux critiques littéraires pour exposer ce qui, concernant ledit art, compte selon eux déjà ou doit compter dans l’avenir.
Il faut de tout pour faire un dialogue esthétique. Il faut se souvenir de Thomas Mann (Mojmír Grygar), revenir à Goethe (Benoît Heurtel), se pencher sur les propos d’Akira Mizubayashi (Thierry Gillybœuf), expliquer les rapports de Claudel au roman (Romain Debluë) et défendre Senghor (Boniface Mongo-Mboussa). Il faut parler des femmes (Natalia Tolstoï, Yves Lepesqueur), réfléchir sur la souffrance (Gaëtan Brulotte), observer les humains en train de se perdre dans leurs propres rêves (Éric Alter), danser (Florent Duffour), se souvenir de la poésie médiévale (François Taillandier) et, surtout, ne pas se prendre au sérieux – merci à Jean-Jacques Sempé. Bref, il faut remuer ciel et terre (Mounir Zakriti) et faire beaucoup d’autres choses encore. D’où le fait qu’une revue littéraire ne se limite pas à un seul numéro.

Un homme qui s’attache aux harmonies, qui n’associe les étoiles qu’avec les anges, ou les agneaux avec les fleurs printanières, risque d’être bien frivole, car il n’adopte qu’un seule mode à certain moment ; et puis ce moment une fois passé, il peut publier le mode en question. Mais un homme qui tâche d’accorder des anges avec des cachalots doit, lui, avoir une vision assez sérieuse de l’univers.
G. K. Chesterton, in L’Ange et le cachalot, de Simon Leys.

Précisons: primo, le dialogue esthétique n’est pas un débat. Nous ne distribuons pas des rôles d’avance d’après je ne sais quelles appartenances de nos auteurs. Secundo, le dialogue esthétique n’a rien à faire avec la recherche universitaire. Nous ne visons pas à l’analyse des œuvres, mais à leur approfondissement par lectures interposées. Nous discutons dans le but de devenir des lecteurs un tant soit peu moins superficiels.

Tant qu’il y aura des revues, nous tenons la preuve que la vie littéraire ne sera pas entièrement alignée au calendrier éditorial.
La Ve Rencontre de Thélème sur la liberté aura lieu les 6 et 7 octobre à l’abbaye de Seuilly (Touraine). Cette année le sujet proposé par Belinda Cannone est: «L’identité contre la liberté».
L. P.

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Couverture du n° 87 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 87

Morgan Sportès – Du fait divers à l’histoire et vice versa

Il y a vingt-trois ans, on pouvait lire dans l’Ouverture du premier numéro de L’Atelier du roman (Hermann Broch): «Un seul pari à tenir: sortir complètement de la tradition “dossier”, aller directement au but, ouvrir la porte de l’atelier, y faire irruption, sans préliminaires, sans savantes et inutiles notes biographiques, sans fouilles dans la vie privée de l’artiste et, surtout, sans terroriser les lecteurs avec l’érudition des fichiers. Telle est la ligne à suivre pour tout notre travail.»

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Il serait probablement difficile de trouver aujourd'hui en France un autre romancier disposant d’une palette thématique aussi large que Morgan Sportès. Connu du grand public grâce à l’adaptation cinématographique par Bertrand Tavernier (Ours d’or de Berlin) de son roman L’Appât (1990), Sportès construit depuis trente-cinq ans une œuvre romanesque à la fois populaire, exigeante sur le plan artistique et multiforme.

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Ce qui se raréfie de nos jours, ce sont les artistes qui ambitionnent d’avoir une emprise sur le monde, une vision du monde. Une vision du monde! Des fantaisies de l’ancien monde, n’est-ce pas? Maintenant c’est le «divin marché» (Dany Dufour) qui règne et règle la vision de tous les citoyens.

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Merci, Jean-Jacques. Même si votre dessin de la couverture ne provoque pas l’effet souhaité, nous protéger des agélastes, cela nous suffit.

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De l’Inde (Yves Lepesqueur) à Cuba (Massimo Rizzante) en passant par la France (Fanny Taillandier), nos chroniqueurs – sans consultation préalable, sans connaître la matière principale – ont tissé la toile de fond sur laquelle se joue l’œuvre de Morgan Sportès.

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L’ordre des rubriques perturbe l’ordre naturel des choses. C’est-à-dire qu’il est préférable de lire d’abord les deux nouvelles de Bernard Dilasser et ensuite l’article que lui consacre Claire Tencin.

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Aujourd’hui, la destruction et les horreurs sont peut-être la seule source d’espoir puisqu’elles expriment de manière impitoyable l’insatisfaction de l’homme face à lui-même et à sa propre vision du monde, ainsi que son désir de changement. Son désir de comprendre et de pardonner, aussi paradoxal que cela puisse paraître.
Viivi Luik, Le Petit Placard de l’homme, 1998.

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On pouvait encore lire dans cette même Ouverture du premier numéro de L’Atelier du roman, il y a vingt-trois ans: «Nous n’aimons ni les “retours à” ni les manifestes. Nous voulons tout simplement prendre de la distance, nous éloigner un peu de la navette dans laquelle semblent être embarqués critiques, romanciers et public.» De la distance… Cela peut être à la manière de Boniface Mongo-Mboussa (chercher à identifier la ville natale de l’aïeul africain de Pouchkine), ou de Maxence Caron (Beckett), ou de Thibault Ulysse Comte (réfléchir sur nos rapports au passé), ou de Romain Debluë (Millet), ou de Patrice Charrier (partir en Amérique avec Georges Duhamel), ou de Gérald Sibleyras (rire avec nos semblables, nos frères).

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Qu’il regarde du côté de l’actualité ou de la grande Histoire, qu’il s’arrête sur sa vie intime ou qu’il rouvre des dossiers « classés », Morgan Sportès n’écrit pas pour écrire, ne suit pas les modes et les tendances littéraires concoctées d’avance. Il met en scène sa vision du monde.
Lakis Proguidis

Sommaire

Morgan Sportès – Du fait divers à l’histoire et vice versa:

à la une : Yves Lepesqueur

Benoît Duteurtre, Pour la plus grande gloire de Sportès
Tsunéo Yoshida, Comment je suis devenu traducteur ou de L’Insensé
Pierre-Ulysse Barranque, Des romans pour penser le monde
Morgan sSportès, Loin de Siam
Reynald Lahanque, Maos: Mensonge romantique et manipulation
Christian Authier, Quand Sportès passe aux aveux
Bertrand Tavernier, Adapter (entretien)
Béatrice Commengé, Outre-Mer(e)
Michel Erman, Roman épique – L’Insensé
Jean Marcel, À taquiner la vie coloniale – Tonkinoise
Morgan Sportès, Le temps re-retrouvé : lettres et « archives »
Francesca Iorandini, L’indétermination du mal
Quentin Debray, Un érotisme adulte – Rue du Japon
Kanika Chansang, Athos, Porthos et Aramis au Royaume de Siam
Dominique Noguez, Sept Morgan et une lettre
Lakis Proguidis, Des exergues et des hommes
Morgan Sportès, Dans le meilleur des mondes (entretien)

Œuvres
à la une : Fanny Taillandier

critiques
Patrice Charrier, Ce ne sont plus des prophéties – À propos
de Scènes de la vie future, de Georges Duhamel
Claire Tencin, L’œil qui écoute – Exode, de Bernard Dilasser
Romain Debluë, Richard Millet, écrivain posthume
Maxence Caron, Beckett prophète taciturne, deuxième partie
Thibault Ulysse Comte, Le souvenir de la parole

à la une : Boniface Mongo-Mboussa

les cahiers de l’atelier
Gérald Sibleyras, Nouvelles du monde
Bernard Dilasser, Deux nouvelles

au fil des lectures
Massimo Rizzante, Notes de La Havane