L'Atelier du Roman n° 102
Karel Čapek – Le roman du progrès
Ce numéro est consacré à Karel Čapek, la troisième grande figure des Lettres tchèques, à côté de Kafka et de Hasek. Aujourd’hui, concernant ses œuvres, on parlerait de dystopies, de science fiction et de littérature d’anticipation. Cependant, Čapek est plus que tout ce qui peut être désigné par ces termes. Sur fond d’un mixage unique et inimitable de tendresse et d’humour, il est le scrutateur de l’âme moderne ballottée entre ses utopies humanistes et ses pulsions on ne peut plus égoïstes et irresponsables. Dans le reste de la matière, parmi les critiques d’hier et de nos jours, les chroniques et les nouvelles – comme toujours illustrée par les dessins humoristiques de Sempé –, signalons la traduction d’un texte de Čapek sur la langue tchèque.
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 102
Karel Čapek – Le roman du progrès
SOMMAIRE
Ouverture
Karel Čapek – le roman du progrès
Jan Rubes, Une journée ordinaire
Slobodan Despot, «Je n’ai pas voulu mentir»
François Taillandier, Le magicien connaît-il ses trucs?
Thierry Gillybœuf, Čapek voyageur ou la nostalgie de l’Europe
Raphaël Arteau Mcneil, La tragédie propre et planifiée
Mehdi Clément, La «solastalgie» de Povondra
Bernard Quiriny, Un Tchèque en Angleterre
Linda Lê, Les vies imaginaires de Karel Čapek
Joël Roussiez, La légèreté de l’être romanesque
Nunzio Casalaspro, Karel Čapek ou la nostalgie
Lakis Proguidis, Où sont les plaisirs d’antan?
Sylvie Richterova, «J’accuse la science, j’accuse la technique»
Dates et Œuvres
À la une:
Yves Lepesqueur
Critiques
Olivier Rey, Thomas Zins, Céline Schaller et leurs enfants
– Sur Le Triomphe de Thomas Zins, de Matthieu Jung
Yannis Kiourtsakis, Quand la forêt demande justice – À propos
d’Athos le forestier, de Maria Stéfanopoulou
Massimo Rizzante, Ce regard attentif qui se pose sur l’inoubliable
– Sur Que chaque chose trouve sa place, de Sylvie Richterová
Didier Castelan, La noblesse de l’être – Sur La Beauté sur la terre,
de Charles-Ferdinand
Ramuz Francesco Forlani, L’anecdote est la vie: Petr Král
De près et de loin
Karel Čapek, Éloge de la langue tchèque
Patrice Jean, Le roman et les idées
À la une:
Boniface Mongo-Mboussa les cahiers de l’atelier
Jan Čep, Le secret de Klara Benda
Jean-Philippe Sedikhi, Point de chute
Au fil des lectures
Marek Bie´nczyk, Occuper le temps
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 102
Karel Čapek – Le roman du progrès
Depuis le temps que le rationalisme technologique mène la danse du progrès, les écrivains n’ont pas manqué qui, penchés plutôt sur les conséquences sociales et anthropologiques de cette anomalie historique, ont imaginé le pire. Dans cette confrérie, Karel Čapek (1890-1938) est un cas à part. Ce qui l’intéresse en priorité, ce sont les retombées de la croyance dans le progrès sur la vie des hommes. Ce qui le motive comme artiste, ce sont les implications existentielles de la déification du progrès. C’est dans ce sens que nous pouvons qualifier l’ensemble de son œuvre comme le Roman du progrès.
« Et tous les critères qui servent à couper non pas verticalement mais horizontalement restent encore valables. » C’est par ces mots que Marek Bie´nczyk termine sa chronique. En d’autres termes, si je ne trahis pas sa pensée, le dépassement des œuvres artistiques accomplies jadis, dépassement toujours souhaitable, toujours salutaire, ne doit pas être « vertical », ne doit pas être compris comme dévalorisation et rejet du passé. Dès leur parution au grand jour, les œuvres majeures entament leur vie « horizontale ». Une vie dorénavant inscrite dans le temps qui va.
Karel Čapek est, à côté de Kafka et de Hasek, la troisième grande figure des Lettres tchèques de la première moitié du xxe siècle. Il est aussi, dans le monde entier, l’un des rares écrivains à parodier le scientisme omniprésent et tout-puissant de notre époque. Sa littérature, constamment traversée par l’humour et la méfiance envers toutes les utopies, se constitue – hormis les pièces de théâtre et les romans – de contes, de nouvelles, de récits de voyage, d’essais d’esthétique et d’écrits politiques.
Je tiens à remercier Jan Rubes, Samuel Bidaud et Ibolya Virag pour leur aide à la préparation de ce numéro.
Face aux prouesses aussi surprenantes qu’inquiétantes des patrons de la Silicon Valley, le rire de Karel Čapek est d’utilité publique. Cela donne à réfléchir sur l’homme qui, de « maître et possesseur de la nature », risque de devenir l’esclave de la machine.
L’optimisme des uns sera le pessimisme des autres et la conviction d’un effondrement inévitable encore un optimisme dont le pessimisme serait que tout reprendrait à continuer en économie de guerre avec sa discipline interne, ses punitions collectives au besoin, ses contrôles biométiques, à se poursuivre ainsi en appauvrissement de la vie et de ses possibilités durant qu’à l’extérieur l’Âge du feu parcourt le globe.
Baudouin de Bodinat, Dernier Carré, no 5, juillet 2020.
L’art ne progresse pas. Horizontalement, ou contrapunctiquement, ou dialogiquement, il se dévoile. D’où, de numéro en numéro, nos incessants va-et-vient entre le présent et le passé. Ici, du Triomphe de Thomas Zins de Matthieu Jung (Olivier Rey) à La Beauté sur terre de Charles-Ferdinand Ramuz (Didier Castelan) et d’Athos le forestier de Maria Stéfanopoulou (Yannis Kiourtsakis) au Secret de Klara Benda de Jan Čep et de Que chaque chose trouve sa place de Sylvie Richterová (Massimo Rizzante), aux revues historiques (Boniface Mongo-Mboussa) et aux trésors des églises bretonnes (Yves Lepesqueur), en passant par l’interrogation esthétique (Patrice Jean) et les embrouillaminis de la vie moderne (Jean-Philippe Sedikhi).
Il serait probablement très difficile de trouver un autre dessinateur pour accompagner le rire trop humain de Čapek que Jean-Jacques Sempé.
Petr Král fut l’ami et le collaborateur de L’Atelier du roman. Il est mort à Prague en juin de cette année. L’article de Francesco Forlani lui est dédié.
L’art ne progresse pas. « Science sans conscience c’est la ruine de l’âme », disait le géant Rabelais il y a quatre cent quatre-vingt-huit ans.
L’œuvre de Čapek est plus qu’actuelle, elle est belle. C’est par sa beauté qu’elle nous interpelle, qu’elle nous amène à la connaissance, qu’elle, comme toute vraie création, nous libère des meules de l’optimisme et du pessimisme.
L. P.
L'Atelier du Roman n° 101
LE CORPS EST-IL LE NOYAU OU LA FRONTIÈRE DE NOTRE LIBERTÉ ?
Quoique la 6e Rencontre de Thélème a eu lieu en octobre 2019, on dirait que son sujet, « Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté ? » a été inventé en résonance avec les récentes restrictions de nos libertés décidées pour faire face au danger du Covid-19. Placés devant le dilemme, la santé ou la liberté, le choix est évident. Or, tout le problème est de réfléchir sur la question de la liberté avant que ce soit trop tard, c’est-à-dire avant qu’on nous enferme dans de pareils dilemmes. D’où, à notre sens, l’importance de ce numéro, dont tous les articles convergent vers le même constat : quoi qu’on fasse, on n’apprivoisera jamais le corps humain.
Dans le reste de la matière – illustrée comme d’habitude par Sempé –, on trouvera des écrits déclinant le sujet principal sur d’autres registres, ainsi que des articles critiques et des réflexions qui prouvent que, pour L’Atelier du roman, liberté n’est pas un mot creux.
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 101
LE CORPS EST-IL LE NOYAU OU LA FRONTIÈRE DE NOTRE LIBERTÉ ?
SOMMAIRE
Ouverture
Simonetta Greggio, À qui est mon corps ?
Philippe Garnier, L’insoutenable liberté de dormir
Laurence Tardieu, Venir au monde
Lakis Proguidis, Le corps de quelle civilisation ?
Gwenaëlle Aubry, Signer le corps
Philippe Renonçay, Bientôt nous serons morts
Yann Kerninon, Les corps déracinés
Carlotta Clerici, Mon corps et moi
Adrian Mihalache, Le corps : comment s’en débarrasser ?
Patrice Jean, Rimbaud contre Steve Austin
Béatrice Commengé, « Ma petite île cernée d’os »
À la une : Olivier Maulin
Critiques
Alain Callais-Messaoudi, Misère d’une fille sans parole – À propos d’Après la chute, d’Olivier Rey
Yves Lepesqueur, Sur les pistes oubliées du roman colonial
Steven Sampson, Tournier, mon ami – Tournier parti, de Serge Koster
Lakis Proguidis, Un cénotaphe pour Aude – Si je t’oublie, de Morgan Sportès
À la une : Trevor Cribben Merrill
Les cahiers de l’atelier
Yves Baudon, Le dernier tour
Joël Roussiez, Manière de faire de ce qui se chante encore
À la une : Théo Ananissoh
De près et de loin
Mathieu Dayras, Fellini, Kundera et l’université en ruine
Maja Brick, Les anges et les diables
Au fil des lectures
Isabelle Daunais, Un nom pour la postérité
Le thème de la VIIe Rencontre de Thélème
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 101
LE CORPS EST-IL LE NOYAU OU LA FRONTIÈRE DE NOTRE LIBERTÉ ?
Le hasard, qui est peut-être l’autre nom du romanesque, a voulu que ce numéro, prévu comme d’habitude pour le mois de mars, paraisse maintenant, à savoir au moment où réfléchir sur les rapports du corps à la liberté est hors question, pour ne pas dire que cela sonne incongru.
En 2014 L’Atelier du roman a inauguré ses Rencontres de Thélème. Thème permanent : la liberté. Chaque année nous scrutons le même mot. Le même mot mais différemment. Car chaque fois c’est un autre écrivain qui introduit le sujet. En 2014: «Mot de passe : Thélème!» (François Taillandier). 2015: «Quelles règles pour quel jeu?» (Jean-Yves Masson). 2016: «Liberté, quel intérêt?» (Pia Petersen). 2017: «Une liberté impertinente» (Denis Grozdanovitch). 2018: «L’identité contre la liberté» (Belinda Cannone). L’année dernière la Rencontre a été introduite par Simonetta Greggio: «Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté?»
Grâce à Isabelle Daunais, Rosie Carpe est de retour. Rosie Carpe est l’héroïne du roman éponyme de Marie NDiaye, auquel a été consacré le 35e numéro de L’Atelier du roman (septembre 2003).
L’abbaye de Seuilly, le lieu où ont lieu nos Rencontres de Thélème, se trouve à huit cent mètres de la Devinière. C’est là, dit-on, qu’a vu le jour celui qui a démontré, avec des arguments irréfutables, que la Nature est toujours clémente envers ceux qui boivent et s’amusent en joyeuse compagnie.
L’économie progressionnelle fait disparaître les travaux en commun et les distractions de la vie sociale pour installer ses infrastructures à la place et propose ensuite aux individus des appareils pour rompre leur solitude sans avoir à sortir de chez eux. Toutes les facultés merveilleuses qu’on prête aux ordinateurs et à leur réseau interactif ont ainsi été prises aux hommes et à leurs unions sociales, leur ont été soustraites et maintenant retirez-leur ces machines et par eux-mêmes ils ne sont rien ; ce qui fait la raison de leur attachement à celles-ci et au monde qui les fournit : et quand l’ordinateur multimédia s’offre à réunir quelques-unes des facultés qui lui ont été volées, l’habitant moderne y voit une chance de se développer librement : le voici enfin réuni en une seule machine.
Baudouin de Bodinat, La Vie sur terre, 2008.
Réfléchir, c’est revenir à ce qu’on a vu et revu – Pierre Benoit (Olivier Maulin), le «roman colonial» (Yves Lepesqueur), Thomas Mann (Théo Ananissoh), Fellini et Kundera (Mathieu Dayras) – ou qu’on a failli de ne pas voir: Après la chute, d’Olivier Rey (Alain Calais-Messaoudi). Quant à ce qu’on n’a jamais vu, le verbe approprié est créer (Trevor Cribben Merrill, Yves Baudon, Joël Roussiez).
Dans un numéro où on parle beaucoup du corps, c’est tout à fait logique de parler des maladies, des souffrances et de la mort (Steven Sampson, Théo Ananissoh et celui qui signe) – sans toutefois oublier les anges (Maja Brick).
Réfléchir rime avec rire et vice versa. La preuve par Sempé.
Le verbe en vogue est «inventer». Il faut inventer un autre mode de vie, disent-ils. Trop tard. Le fait est déjà accompli. De la servitude volontaire dont parlait Étienne de La Boétie à la surveillance volontaire, cela a pris quatre cent soixante-douze ans. Dorénavant, tout ira plus vite.
«La pratique médicale est une farce jouée par trois personnages : le malade, le médecin, la maladie.» Docteur Rabelais dixit.
L. P.
L'Atelier du Roman n° 100
MILAN KUNDERA - LE PRINTEMPS DU ROMAN
Ce 100e numéro de L’Atelier du roman – que nous fêterons le jeudi 9 avril à la Maison de l’Amérique latine – est entièrement consacré à Milan Kundera. Et pour cause : œuvre capitale, novatrice, régénératrice pour l’art du roman, elle est aussi l’œuvre qui, plus que toute autre, contribue à l’accomplissement de l’œuvre de L’Atelier du roman. De surcroît, comme le prouvent les participants du monde entier à ce numéro, œuvre toujours vivante, toujours impliquée dans les énigmes du monde actuel, s’interrogeant toujours sur les impasses en série auxquelles conduisent implacablement nos bonnes intentions.
Centième publication oblige, le lecteur trouvera à la fin du volume le «bilan» du travail atelieresque effectué depuis la fondation de la revue, en 1993, jusqu’à aujourd’hui. Toujours accompagné du rire bienveillant de Sempé.
En librairie : 19 mars 2020. 248 pages.
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 100
MILAN KUNDERA - LE PRINTEMPS DU ROMAN
SOMMAIRE
Ouverture. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Christian Salmon, Comment le monde est devenu kundérien. . . 11
Massimo Rizzante, L’Amérique latine de Milan Kundera. . . . . . . 16
Guy Scarpetta, Milan Kundera, écrivain français ?. . . . . . . . . . . 25
André Major, L’après-Kundera. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Benoît Duteurtre, Le roman, la musique et les arts. . . . . . . . . . . 37
Marek Bie´nczyk, Césure et sublime. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Sylvie Richterová, Connaître par le beau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
François Ricard, Le soin de son oeuvre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
François Taillandier, Le romanen tant que liberté. . . . . . . . . . . . . 64
Eryck de Rubercy, Parlons encore de Kafka. . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Sylvie Kandé, Poids et mesures : Kane, Kundera et Parménide. . 75
Juan Villoro, Le joueur de hockey. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
Isabelle Daunais, Le retour des personnages – La leçon de Balzac,la leçon de Tolstoï. . . 87
Yoshinari Nishinaga, Je me souviens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Reynald Lahanque, Les campanules. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
Martin de Haan, Variations sur le « moi » – Kundera et Bacon. . . . 101
Entretien, Milan Kundera – Normand Biron. . . . . . . . . . . . . . . . 109
Alain Finkielkraut,Moments kundériens. . . . . . . . . . . . . . . . . 127
Steinunn Sigurdardóttir, La cruelle plaisanterie. . . . . . . . . . . 132
L’Atelier du roman
Thomas Pavel, Mensonge et brouillard dans « Les lettres perdues » 138
Maxime Rovere, Kundera, romancier de l’interaction. . . . . . . . . . 144
Fridrik Rafnsson, Une renaissance romanesque. . . . . . . . . . . . . . 150
Yannick Roy, S’installer dans la chute. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
Yves Hersant, Du roman à la comédie – et retour. . . . . . . . . . . . . 163
Simona Carretta, L’existence romanesque. . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Frédéric Beigbeder, Hâte-toi lentement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
Trevor C. Merrill, Sagesse de La Lenteur. . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
Michel Biron, La honte comme événement romanesque. . . . . . . . 186
Raphaël Arteau mcneil, Apprendre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Miguel Gallego Roca, « Pour que tu ne saches jamais ce que tu as vécu ». . . . . 200
Olivier Maillart, Un regard épris et lucide. . . . . . . . . . . . . . . . . 206
Baptiste Arrestier, Fenêtre sur le présent. . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
François Ricard, Relecture des Testaments trahis . . . . . . . . . . . . . 216
Lakis Proguidis, Désaccord catégorique avec l’être. . . . . . . . . . . . 222
Dates et oeuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229
Bilan provisoire : Lakis Proguidis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 100
MILAN KUNDERA - LE PRINTEMPS DU ROMAN
Ce centième numéro entièrement consacré à Milan Kundera n’est pas seulement un hommage à un romancier qui, par ses romans et ses essais, a marqué de manière significative l’histoire de son art. C’est aussi l’expression d’une profonde reconnaissance, car L’Atelier du roman est le principal bénéficiaire de son enseignement et de ses ouvrages. Né à Brno (Tchécoslovaquie) en 1929 et installé en France depuis 1975, Kundera a conquis la scène littéraire mondiale dès la fin des années soixante. Son oeuvre, à la fois corrosive et trop humaine, farcesque et mystérieuse, plaisante et profonde, moderne et fidèle à l’héritage de Rabelais et de Cervantès, est traduite dans presque tous les pays.
Réussir à fêter le centième numéro – ce sera le jeudi 9 avril à la Maison de l’Amérique latine – est une chose, certes. Mais l’essentiel est d’y arriver sans altérer le but fixé au premier numéro : susciter et conduire un vrai dialogue esthétique autour de l’art du roman. Ce qui ne se serait jamais réalisé, s’entend, sans la confiance des écrivains et la complicité de nos amis et collaborateurs.
Un grand merci à Milan Kundera, Vera Kundera, Jean-Jacques Sempé, François Ricard, Massimo Rizzante et à tous les participants.
l’atelier du roman Selon les convenances en usage, l’artiste ne peut s’exprimer que partiellement. Il lui est permis de « chanter », mais il n’a pas le droit de parler ; il doit être tourné face à l’art, non pas face aux hommes ; ce serait un manque de tact si ce prêtre, célébrant sa messe face à l’autel, tout à coup se souciait de ce que les gens font de lui, derrière lui, et s’il se mettait, par exemple, à en découdre pour telle ou telle interprétation de ses oeuvres et de sa personne (une chose entraîne l’autre). Witold Gombrowicz, Testament .
Le « Bilan provisoire » qui figure à la fin du volume est repris, légèrement modifié, de La Revue des revues (automne 2019, n o 62) où il a été publié sous le titre « L’Atelier du roman fête ses 25 ans ». Je tiens à remercier Ent’revues pour avoir autorisé cette reprise.
À une époque où le roman chancelait entre les expérimentations in vitro et le reportage, Kundera réussit à renouveler la forme de cet art par excellence européen et à la réorienter vers les grandes énigmes de l’existence et du monde contemporain. Dans cette deuxième moitié du xx e siècle on avait commencé à ne plus croire au roman. L’oeuvre de Kundera constitue la démonstration artistique, intellectuelle et éthique qu’un monde privé de l’art du roman sera un monde aveuglé, coupé de tout moyen pour se connaître et pour maîtriser ses supposées avancées.
Je pense avec gratitude à tous ceux qui ont soutenu notre aventure atelieresque... Buvons ! L. P.
L'Atelier du Roman n° 99
Colette - Les mille facettes de la séduction
Ce numéro, comme nous l’avons souvent fait, est un dialogue esthétique autour d’une œuvre romanesque remarquable. Pourquoi Colette cette fois ? Pour prendre le contre-pied de la tendance actuelle de mettre en valeur la personne de l’écrivain au détriment de son œuvre. Que la vie de Colette est unique, personne n’en doute. Mais qu’en est-il de l’unicité de sa littérature ? Quinze écrivains essaient de répondre.
Nous parlons aussi de l’école, du Japon, de la Silicon Valley, de la civilisation festive, de Soljenitsyne, d’Homère, de la Roumanie, du Québec, de la bio-technologie, de Thomas Mann et de Naples. Toujours par le biais du roman. Et toujours accompagnés du rire bienveillant de Sempé.
En librairie: 5 décembre 2019.
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 99
Colette - Les mille facettes de la séduction
Ouverture
Léa Petges, Regarde !
Frédéric Maget, Colette paradoxe
Thomas Pavel, Comment éviter la profondeur
Samia Bordji, La Vagabonde : être en femme, tout simplement
Gérard Bonal, La Naissance du jour : « Imaginez-vous, à me lire,
que je fais mon portrait ? »
Martine Charreyre, « Devenir ton illusion »
Marin de Viry, Colette dans la bataille
Reynald Lahanque, Un étrange attachement
Cécilia Dutter, La Chatte et moi
Corentin Zurlo-Truche, Colette au théâtre
Eryck de Rubercy, L’école de la nature
Jean-Marc Bastière, Colette l’archaïque
Frédéric Beigbeder, La faute à Colette
Pascale Privey, Pygmalionne
Lakis Proguidis, Il était une fois...
Dates et œuvres
à la une : Yannick Roy
Critiques
Didier Castelan, De l’école – Sur Nos jeunes, d’Alexandre Soljénitsyne
Raphaël Arteau Mcneil, Silicon Valley, capitale du xxie siècle
– Sur The Big Disruption, de Jessica Powell
Massimo Rizzante, L’art incarné de Kenzaburô Ôé
Thierry Gillybœuf, Gheorghiu et moi
Lakis Proguidis, Après la civilisation – Sur Chers djihadistes..., de Philippe Muray
à la une : Boniface Mongo-Mboussa
de près et de loin
Baptiste Arrestier, Qui, de Settembrini ou de Naphta, avait raison ? – Le roman et le religieux en temps de troubles spirituels
Gilles Carasso, La solution bio-technologique
au fil des lectures
François Taillandier, De Winchester à Naples en passant par Bordeaux
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 99
Colette - Les mille facettes de la séduction
Que de nos jours les différents mouvements émancipateurs se réclament de Colette (1873-1954) en prenant appui sur sa vie décalée par rapport à la norme sociale, est tout à fait compréhensible. Mais qu’en est-il de ses romans, de son théâtre, de ses nouvelles ? Qu’en est-il de la valeur de ses œuvres et de leur place dans une époque où la littérature française dominait la scène internationale ? Poser ces questions et essayer d’y répondre est déjà un indice clair que, pour L’Atelier du roman, Colette doit être surtout admirée pour ce qu’elle a fait de « décalé » par rapport à la norme littéraire.
Ce numéro, nous le devons largement à Philippe Muray. Nous parlions souvent de Colette. Il faut, me disait-il, redécouvrir son « lyrisme antilyrique » et son « sens du réel ». C’était en 2004, deux ans avant sa mort.
Infinis remerciements à Gérard Bonal et Frédéric Maget pour leurs conseils amicaux et leur aide tout au long de la préparation de ces pages.
En soixante-cinq ans depuis la mort de Colette, nous n’avons pas arrêté de progresser (Raphaël Arteau McNeil et Gilles Carasso) et de régresser (celui qui signe) tout en continuant à poser la même question : qui, de Settembrini ou de Naphta, avait raison ?
Par temps de biopics tous azimuts n’hésitons pas de le préciser : « Les mille facettes de la séduction » du titre générique se rapportent à l’œuvre et pas à l’auteur.
« J’ai la longue habitude de croire Balzac sur parole », avouait jadis Colette. Je suis comme elle exactement. Si les littérateurs d’aujourd’hui l’imaginent démodé, Balzac, c’est qu’ils ne se sont jamais regardés. Tétanisés par leur accession au show, qu’ils ne désirent tant que parce qu’ils sont persuadés que c’est la condition de leur survie, ils ne tiennent pas à savoir que c’est leur condamnation. Ils préfèrent passer fantômes sur la scène que d’être écartés de celle-ci.
Philippe Muray, « Désaccord parfait », La Règle du jeu n° 9, 1993.
Apparemment, dans la déchristianisation de nos sociétés, les baby boomers ont été beaucoup plus efficaces (Yannick Roy) que Ceausescu et ses camarades (Thierry Gillybœuf).
La multiplication des lectures différentes des grandes œuvres romanesques du présent et du passé, telle que nous essayons de la pratiquer de numéro en numéro, n’a qu’un seul but : prouver l’impossibilité de les réduire en une interprétation conforme aux visées du mainstream.
C’est par sa mère que Colette a appris à bien regarder le monde et par son père à bien écrire. Vu l’excellence de l’œuvre littéraire accomplie suite à cette éducation familiale, refléchissons un peu sur le rôle de l’éducation scolaire (Didier Castelan).
Quoique Colette n’ait pas pratiqué la poésie, sa prose témoigne d’une très grande sensibilité poétique. C’est que la poésie qu’elle avait assidûment pratiquée pendant sa jeunesse a été diluée dans son imagination. Ce qui n’est pas le cas des écrivains comme Kenzaburô Ôé (Massimo Rizzante), François Taillandier et Boniface Mongo-Mboussa qui traitent la poésie comme un interlocuteur actif, insoluble dans la prose.
Les quatre numéros à venir : le 100e numéro (mars 2020) sera entièrement consacé à Milan Kundera, la 101e, à la 6e Rencontre de Thélème : « Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté ? » (juin 2020), le 102e, à Karel Capek (septembre 2020) et le 103e, à Flannery O’Connor (décembre 2020).
Les œuvres d’art n’ont pas besoin du show médiatique pour assurer leur survie. Leur décalage par rapport à notre intelligence leur suffit. Ce sont des énigmes éternelles. Les dessins humoristiques de Sempé en font amplement partie.
L. P.
L'Atelier du Roman n° 98
"Chaka", de Thomas Mofolo
D'un coeur des ténèbres l'autre
Avec ce numéro, et pour la nième fois, L’Atelier du roman affirme son caractère de revue littéraire de dialogue esthétique par-delà les frontières géopolitiques et les fixations culturelles. En choisissant comme sujet principal le roman Chaka de Thomas Mofolo, écrit en souto en 1908, ce dialogue se déploie sur deux pistes : d’un côté nous réfléchissons sur l’importance accordée à cette œuvre tout au long des controverses concernant l’histoire du continent africain et, de l’autre, nous essayons de souligner la place exceptionnelle de ce roman dans la littérature mondiale.
C’est aussi dans ce même esprit de dialogue que nous accueillons des critiques allant des auteurs dits classiques, Boccace et Scott, à nos contemporains comme, entre autres, Renonçay et Grozdanovitch. Sans oublier, s’entend, de commenter l’actualité par le biais du roman, et sans nous écarter du propre de l’homme, ici incarné par les dessins humoristiques de Sempé.
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 98
"Chaka", de Thomas Mofolo
D'un coeur des ténèbres l'autre
Ouverture
Chaka, de Thomas Mofolo
d’un cœur des ténèbres l’autre
Boniface Mongo-Mboussa, Un classique immobile
Nunzio Casalaspro, Fils du ciel
Sylvie Kandé, Chaka et l’arbre du Bokoné
Gauz, Damn you Thomas !
Théo Ananissoh, Quand les Africains étaient seuls au monde
Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Chaka, de l’histoire au roman –
Le regard d’un politiste
Mirjana Robin-Cerovic, De Paris à Teyateyaneng, le territoire de l’œuvre
Jean-François Chanson, Chaka bédéisé – Entretien avec Boniface Mongo-Mboussa
Yves Lepesqueur, Parler au monde en souto
Mehdi Clément, Issanoussi à travers les âges
Lakis Proguidis, Le Pouvoir, rien que le Pouvoir
À la une : Olivier Maulin
Critiques
Philippe Garnier, Le sauvage introuvable – Sur Explorateurs, touristes
et autres sauvages, de Jean Talon
Steven Sampson, «Rétro-fiction» : s’approprier l’Amérique vintage
Yannis Kiourtsakis, Camus : exil, nostos et patrie
Céline Flécheux, L’instant propice – Sur Le dieu Kairos, de Didier Laroque
Lakis Proguidis, Les lucioles se cachent – Sur Les Portraits de Laura Bloom,
de Philippe Renonçay
Émilie Richard, Des fourmis et des hommes – Sur Dandys et Excentriques,
de Denis Grozdanovitch
Myrto Petsota, Scott, romancier tout court – À propos de Waverley
À la une : Théo Ananissoh
De près et de loin
Henri Lopes, Un rayon précieux dans ma bibliothèque
François-Xavier Fauvelle, L’histoire de l’Afrique permet de repenser
l’histoire du monde – Entretien avec Anne Bocandé
Fulvio Caccia, Novella
Régis Quatresous, La biographie qui manquait – Kafka, de Reiner Stach
À la une : Yves Lepesqueur
Au fil des lectures
Benoît Duteurtre, Au fil des lectures… et des actualités
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 98
"Chaka", de Thomas Mofolo
D'un coeur des ténèbres l'autre
Ouverture
Écrit en souto en 1908, publié à Paris en 1925, traduit en français en 1940, et aussi dans plusieurs autres langues, Chaka de Thomas Mofolo est une œuvre capitale de la littérature mondiale. Mofolo romance la montée fulgurante et la chute terrifiante de Chaka (1787-1828), le fondateur de l’empire des Zoulous, qui a eu l’ambition d’unifier sous son autorité une vaste région au sud-est de l’Afrique. Ce n’est pas alors un hasard si ce livre se trouve toujours au cœur des controverses concernant l’histoire de l’Afrique.
Nous ne faisons pas des «dossiers». Nous interrogeons des romans que nous considérons importants pour notre éducation esthétique et pour notre dialogue avec les énigmes du monde.
Cinquante ans cette année de la mort de Witold Gombrowicz à Vence. À son arrivée à Paris, en 1964, il se plaignait de l’absence des «cafés littéraires». « Mais où faites-vous votre littérature?» En effet, où?
Mœurs éditoriales: le livre d’entretiens de Mario Vargas Llosa avec Rubén Gallo (titre original: Conversación en Princeton con Rubén Gallo) est paru chez Gallimard, dans la collection «Arcades», sous le titre L’Atelier du roman! Personne ne nous a contactés pour nous demander l’autorisation de faire usage du titre de la revue…
La structure de l’art, telle que je la conçois, est, comme celle de l’esprit humain, antinomique, fondée sur l’association des contraires et leur jeu compensatoire. Le non-sens et la blague doivent être compensés dans l’art par le sens et le sérieux. De même, la «facilité» dans la création artistique doit être d’une façon ou d’une autre complétée et rachetée par l’effort, la difficulté.
Witold Gombrowicz, Journal (1968).
Pourquoi Chaka quand il y a tant de sujets brûlants qui font l’actualité? Ils ne sont pas brûlants, ces sujets, ils font tout bêtement l’actualité. C’est Chaka qui est un sujet vraiment brûlant. La preuve.
À l’heure des biopics, il faudrait nous méfier des biographies. Mais peut-être celle de Kafka de Reiner Stach dont parle Régis Quatresous est l’exception qui confirme nos craintes.
Le «jeu compensatoire» (Gombrowicz) est illimité. Faire côtoyer, par exemple, nos écrivains contemporains – Jean Talon (Philippe Garnier), Didier Laroque (Céline Flécheux), Philippe Renonçay (celui qui signe), Denis Grozdanovitch (Émilie Richard) et Graham Swift (Théo Ananissoh) – avec les classiques – Albert Camus (Yannis Kiourtsakis), Walter Scott (Myrto Petsota) et Boccace (Fulvio Caccia). Ou sortir de notre bergerie pour rencontrer Offenbach (Benoît Duteurtre) et les poètes mystiques indiens du xve et xvie siècle (Yves Lepesqueur). Ou, encore, entrelarder nos pages savantes avec les dessins humoristiques de Sempé – merci encore, Jean-Jacques !
Pour apprendre agréablement sur l’histoire de l’Afrique dans le vaste monde, lisez, cher lecteur, Le Rhinocéros d’or, de François-Xavier Fauvelle, ainsi qu’Il est déjà demain d’Henri Lopès.
Jeu de bizarreries: c’est le même pays qui produit Jack Thieuloy (Olivier Maulin) et qui louche vers l’Amérique (Steven Sampson).
Je tiens à remercier Boniface Mongo-Mboussa et Théo Ananissoh pour leur idée de consacrer un numéro à Chaka et, aussi, pour leur aide à la réalisation du projet.
Comment ne pas penser l’énormité de la violence humaine, depuis la criminalité pure jusqu’à la violence nationale et sociale, irrépressible et inarrêtable, étant donné que toute cette violence entre l’homme et l’homme reflète une erreur fondamentale de la pensée, qui devient légitime, acceptable, et même méritoire, en tout cas inévitable, et légitimise le fait de forcer, de violer, de bouleverser la vie en général à des fins pratiques, de violenter le monde et les espaces orbitaux et galactiques, bref, tout ce qui est atteignable et se prête à nos viols magnifiques?
Guido Ceronetti, Insectes sans frontières, 2009.
Jeu de miroirs: Joseph Conrad a écrit Au cœur des ténèbres en 1902. Thomas Mofolo, son Chaka, six ans plus tard.
L. P.
L'Atelier du Roman n° 97
À quoi le roman nous relie-t-il?…
Ça a eu lieu à l’Université McGill, à Montréal, l’automne dernier. Nous nous sommes rassemblés à l’initiative d’Isabelle Daunais et grâce au soutien de la Chaire de recherche du Canada sur l’esthétique et l’art du roman dont elle est la titulaire. Je tiens à la remercier d’avoir fait en sorte que nos interventions et nos échanges durant cette rencontre deviennent un ensemble d’écrits atelieresques.
L'Atelier du Roman n° 97
À quoi le roman nous relie-t-il?…
SOMMAIRE
Ouverture
À quoi le roman nous relie-t-il?
Thomas Pavel, Peut-on faire confiance en la littérature ?
François Ricard, La vraie vie est dans le roman
Isabelle Daunais, Des chemins à travers le temps gouverné par l’oubli
Marek Bienczyk, Deux fois rien
Yannis Kiourtsakis, Le dialogue entre les vivants et les morts – Entretien avec Yannick Roy
Trevor Cribben merrill, L’art de l’incarnation – Le roman selon Flannery O’Connor
Francesca Iorandini, L’ami prodigieux – Le lecteur de Michel Houellebecq et d’Elena Ferrante
Massimo Rizzante, Le roman à venir
Lakis Proguidis, De la société romanesque
Marie-Claire Blais, Un chœur moderne – entretien avec Michel Biron
À la une : Trevor Cribben Merrill
Critiques
Michel Biron, Le coup de pied inattendu dans le tibia – Sur 4 3 2 1, de Paul Auster
Denis Wetterwald, L’horizontale... pour se sauver – Sur G. W. Sebald
Myrto Petsota, Nous, Tom Waits, lecteurs de Flannery O’Connor
Olivier Maillart, Des femmes qui s’éloignent – À propos des Portraits de Laura Bloom, de Philippe Renonçay
Miguel Gallego roca, L’imagination végétale – La Végétarienne, un roman en trois temps de Han Kang
Lakis Proguidis, Avancez ! – Sur L’Interruption, de Dominique Noguez
À la une : Yannick Roy
De près et de loin
Émilie Richard, Le jour où Panurge ne fera plus rire est-il arrivé ?
Fabrizio Tribuzio-bugatti, Les merveilleux barbares de Pasolini
Les cahiers de l’atelier
Jacques Lederer, Un aller simple
Andrea Inglese, C’est comme ça que ça marche
Au fil des lectures
Massimo Rizzante, La guerre et l’art – En lisant Jan Patocka
L'Atelier du Roman n° 97
À quoi le roman nous relie-t-il?…
Ouverture
«À quoi le roman nous relie-t-il?»… Ça a eu lieu à l’Université McGill, à Montréal, l’automne dernier. Nous nous sommes rassemblés à l’initiative d’Isabelle Daunais et grâce au soutien de la Chaire de recherche du Canada sur l’esthétique et l’art du roman dont elle est la titulaire. Je tiens à la remercier d’avoir fait en sorte que nos interventions et nos échanges durant cette rencontre deviennent un ensemble d’écrits atelieresques.
Nous sommes déjà entrés dans l’ère du virtuel. Virtuelles sont de plus en plus les relations humaines, virtuels de plus en plus les déplacements, virtuelles de plus en plus l’histoire et la géographie, de plus en plus l’art, la littérature et jusqu’à la biologie avec ses clones aptes à la vie, virtuelle l’information, virtuelle la sexualité. Le tout virtuel, en un mot. L’unique chose à ne pas demeurer virtuelle : notre mort.
Mohammed Dib, Simorgh, 2003.
Rien ne peut aller mieux pour décrire la quête que nous avons menée à Montréal que le titre générique de la trilogie romanesque de Yannis Kiourtsakis : « Le même et l’autre ». Certes, le même à qui le roman nous relie restera à jamais enfoui dans les insondables profondeurs de la création humaine. Mais, apparemment, il ne refuse pas de se manifester aux interlocuteurs attentifs, chaque fois sous une autre forme.
De toute part on nous entretient de cette méditation de pleine conscience, nous la recommandant en hygiène pour le bien-être ; qui devient une activité de masse en développement personnel, d’adaptation quiétiste aux pressions du régime concurrentiel et aux incertitudes d’un monde en rapide déconstruction. Mais des méditatifs il s’en rencontre de moins en moins, non plus que des pensifs, ou des attentifs, ou simplement des individus qui seraient là en personne.
Dernier Carré, no 2, février 2019.
Nous parlons de nos contemporains, de Paul Auster (Michel Biron), de G. W. Sebald (Denis Wetterwald), de Han Kang (Miguel Gallego Roca), de Michel Houellebecq et d’Elena Ferrante (Francesca Lorandini), de Dominique Noguez (celui qui signe) et de Philippe Renonçay (Olivier Maillart). Ils sont placés sous le regard bienveillant, mais extrêmement exigeant de Flannery O’Connor (Trevor Cribben Merrill et Myrto Petsota), de Molière (Émilie Richard), de Pasolini (Fabrizio Tribuzio-Bugatti) et de Balzac (Yannick Roy). Car si nous ne comparons pas nos œuvres aux réussites du passé, comment pourrions-nous affirmer leur nouveauté ?
Anciens et modernes, tous placés sous le regard humoristique de Sempé. Justice.
Rien ne peut aller mieux pour décrire l’ambiance de cette journée montréalaise que l’adage kunderien à propos de l’Europe de son temps : la plus grande diversité culturelle dans le plus petit espace. Et, fait remarquable, les dix participants, appartenant à six pays différents, ont utilisé le français comme langue de travail.
Et rien n’exlut qu’une rencontre universitaire soit une vraie rencontre d’écrivains. La preuve.
Jan Patocka (Massimo Rizzante) parlait dans les années soixante et soixante-dix de la communauté des « ébranlés ». Il les imaginait disséminés aux quatre coins de la Terre. C’est probablement ce grand philosophe qui a fourni la réponse la plus adéquate à notre interrogation. Ce qui explique sa présence miraculeuse dans ce numéro.
À un mois d’intervalle sont morts deux chers amis et collaborateurs de L’Atelier du roman : Dominique Noguez et Dominique Dussidour – qui était aussi notre correctrice depuis une vingtaine d’années. Nous nous souviendrons toujours d’eux avec affection et reconnaissance.
L. P.